Réservé aux professionnels de santé en France

La numérisation et la dématérialisation avance à grand pas dans nos vies quotidiennes et dans le domaine de la santé. Si chacun s’accorde à dire que cette progression de l’électronique nous fait généralement gagner du temps et de l’argent, certains, notamment les plus âgés, regrettent que cette dématérialisation se fasse parfois « à marche forcée ». La prescription en est un bon exemple.

Objectif 2024 pour la France, 2025 pour l’Union Européenne

Ainsi, en vertu d’une ordonnance (légale et non médicale) datant de 2019, la prescription électronique ou e-prescription est censée se généraliser à partir de 2024 en France. De son côté, la Commission Européenne planche sur un règlement européen qui obligera les États membres à se doter des législations et équipements nécessaires pour développer la prescription électronique d’ici 2025. Il est prévu qu’à cette date, toutes les prescriptions, mais également les résultats d’analyse et d’imagerie et les comptes rendus de sortie et de vaccination, seront transmis et centralisés dans un « hub » européen. 

Selon les partisans de la prescription électronique, ses vertus seraient multiples. La dématérialisation mettrait fin à la perte ou à la destruction des ordonnances et réduirait les erreurs de médication dues aux difficultés de lecture des ordonnances manuscrites (les médecins n’étant pas connus pour leur écriture lisible). La numérisation permettrait également de diminuer le nombre d’irrégularités, de fraude et de vol d’ordonnance. Objectif moins avoué, l’ordonnance électronique pourrait également favoriser la prescription des génériques. 

Le couac de la e-prescription en Belgique

Malgré les objectifs ambitieux affichés à Paris et à Bruxelles, force est de constater que l’utilisation de la prescription électronique reste marginale chez les médecins libéraux français. Principal obstacle à la généralisation, les praticiens doivent télécharger un logiciel d’aide à la prescription, afin d’assurer une dénomination commune des ordonnances. L’Assurance maladie propose aux médecins exerçant en ville et en établissements de santé des services de prescription électronique, depuis 2011 pour les arrêts de travail et depuis 2017 pour les transports de patients, sans grand succès. Un dispositif permettant la e-prescription de médicaments et de dispositifs médicaux est attendu dans le courant de l’année. 

L’exemple belge pourrait peut-être calmer les velléités de la Commission Européenne. Alors que la prescription électronique s’est généralisée chez nos voisins, elle présente de nombreux inconvénients et essuie des critiques de toute part. En premier lieu, elle rend nécessaire l’identification du patient par une carte d’identité électronique, ce qui exclut du dispositif les enfants, les étrangers et ceux dont la carte est périmée. 

De leur côté, les pharmaciens dénoncent l’inadaptation du système aux préparations magistrales. Enfin, l’équipement nécessaire est couteux et les médecins qui prescrivent peu (médecins scolaires, médecin-conseil...) préfèrent s’en passer et ne peuvent par conséquent plus prescrire du tout. Résultat, alors qu’elle devait en principe devenir obligatoire en Belgique en janvier 2020, la prescription électronique fait l’objet de nombreuses exceptions et s’accompagne généralement de la délivrance... d’une copie papier.

Quentin Haroche,
Journaliste au JIM

MAT-FR-2201711 - 05/22