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- Source : Campus Sanofi
- 26 juin 2023
Révolution thérapeutique et système de santé : quels enjeux ?
Pour comprendre la révolution thérapeutique en cours, jetons rapidement un œil dans le passé. Dans les années 1990-2000, des progrès importants avaient déjà été réalisés, notamment dans la connaissance du génome et dans la mise au point de médicaments innovants grâce aux biotechnologies.1 Un peu plus tard, dans les années 2000 et 2010, d’autres avancées ont été réalisées, certaines étant même de véritables sauts technologiques, on pense par exemple à la stimulation cérébrale profonde proposée dans la maladie de Parkinson. Citons aussi les greffes de cellules issues de la moelle ou de sang de cordon ombilical, les anticorps monoclonaux thérapeutiques humanisés, les nouveaux vaccins, en particulier pour prévenir des cancers, l’imagerie numérique, la chirurgie assistée par ordinateur... Et le domaine du médicament n’a pas non plus été en reste, avec le développement des traitements contre l’hépatite B, la thrombolyse dans l’AVC, les inhibiteurs de la tyrosine kinase, le traitement du myélome multiple, les traitements immunosuppresseurs...2
Aujourd’hui, les médicaments issus du vivant (immunothérapies, CAR T-cells, thérapies géniques...) et l'utilisation de nouveaux vecteurs d'innovation (CRISPR-Cas9, intelligence artificielle, nanotechnologies...) bouleversent encore plus la donne.1
Dans le vif des innovations
Entrons un peu plus dans le détail de quelques-unes de ces innovations récentes en santé.
La technique CRISPR-Cas9 est un outil permettant de modifier rapidement et simplement un segment d'ADN. Après identification du gène à éliminer, ces « ciseaux moléculaires » constitués d’un brin d’ARN peuvent le supprimer et le remplacer par un autre. CRISPR-Cas9 étend les possibilités de la génétique à l'infini : supprimer un gène malade, le remplacer par une séquence saine ou encore étudier la fonction précise d'un gène.1
Le microbiote, c’est-à-dire l'ensemble des microorganismes commensaux hébergés par le corps humain, fait aussi l’objet d’intenses recherches. Nous savons qu’il influence de façon considérable la physiologie de son hôte et le développement de nombreuses pathologies. De plus en plus d’études montrent notamment une corrélation entre la diversité du microbiote, le mode de vie et la survenue de pathologies inflammatoires ou métaboliques chroniques. Les pistes thérapeutiques liées au microbiote sont prometteuses : on pourrait envisager le développement de nouveaux biomarqueurs issus du métabolisme bactérien, utiliser le microbiote intestinal à des fins thérapeutiques ou encore déterminer certaines interventions thérapeutiques en fonction de la composition du microbiote des patients.1
Les nanotechnologies permettent, elles, de développer des nano-objets dans le domaine de la santé. Rappelons que le nanomètre correspond à un milliardième de mètre soit 1/50000e de cheveu ! Disposer de matériaux de cette échelle permet d'agir à l'intérieur de cellules et de bénéficier de compétences totalement nouvelles. Globalement, les nanotechnologies permettent le développement de nouvelles techniques médicales de diagnostic, de thérapie et de suivi des patients. Concrètement, ce pourrait être des nano-objets capables d'activer le système immunitaire afin de restaurer une réponse de l'organisme contre une pathologie, de nanovecteurs spécifiques à certains types cellulaires destinés à libérer une substance active sans induire de toxicité dans d'autres types cellulaires, de nanocomposés contournant les phénomènes de rejet pour les greffes ou la médecine régénérative.1
Quant à la thérapie génique, c’est une stratégie thérapeutique qui consiste à faire pénétrer des gènes dans les cellules ou les tissus d'un individu pour traiter une maladie. Deux approches existent : une voie in vivo, où on injecte directement le matériel génétique fonctionnel (solution d'ADN nu, liposomes ou vecteur viral) et une voie ex vivo où le matériel est d’abord multiplié en laboratoire dans des cellules mutées de l'organisme. De nombreux essais de thérapie génique ont lieu dans le champ des maladies rares et en oncologie. Citons à ce propos la CAR thérapie : elle consiste à injecter des lymphocytes T-CAR, fabriqués à partir de lymphocytes T du patient modifiés génétiquement de manière à faire exprimer à leur surface un récepteur artificiel (Chimeric Antigen Receptor – CAR). Ce récepteur est capable de reconnaître spécifiquement les cellules cancéreuses. Le potentiel est impressionnant : créer un médicament absolument spécifique, capable de distinguer les cellules tumorales des normales.1
En 2030, les solutions thérapeutiques seront de plus en plus nombreuses et diversifiées, et permettront une approche intégrée du parcours de soins du patient, du diagnostic au suivi et à l'adaptation du traitement. En parallèle se développeront les outils de diagnostic intégrés à la vie quotidienne des patients, permettant notamment la prise en compte des biomarqueurs les plus récents.1
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Une révolution thérapeutique et trois visions
De nombreuses voix annoncent une révolution thérapeutique d’envergure à venir, s’appuyant sur les progrès que nous venons d’évoquer. Ces évolutions ont été théorisées sous le terme NBIC, qui recouvre les Nanotechnologies, les Biotechnologies, les technologies de l’Information (notamment l’intelligence artificielle) et les sciences Cognitives, avec des phénomènes de convergence entre ces technologies maximisant leur potentiel.3
Et comment ne pas évoquer l’intelligence artificielle lorsqu'on parle de « révolution » ? En santé et ailleurs, elle s’invite à tous les débats... Qu’en attendre dans les années qui viennent ? D'ici à 2030, l'intelligence artificielle devrait être présente sur tous les fronts de la santé, s'appuyant sur la production continue de données nouvelles. On peut imaginer par exemple la découverte de nouveaux facteurs de risque basée sur les analyses menées sur les données multidimensionnelles récoltées à long terme sur de larges cohortes de population. L’analyse des images sera plus rapide, plus précise, améliorant encore nos capacités diagnostiques. En matière de prise en charge, l'intelligence artificielle participera à la personnalisation des traitements, notamment en oncologie, et à une meilleure gestion des effets indésirables. L’IA pourrait aussi accélérer la recherche clinique.1
Révolution thérapeutique, certes, mais il existe différentes écoles à ce sujet. Plusieurs visions de l’avenir de la santé coexistent aujourd’hui et esquissent différents portraits de cette révolution. La vision qui domine actuellement est celle du citoyen acteur et responsable de sa santé. Dans cette perspective, chacun pilote son parcours de santé, dans une logique associant individualisation et autonomie-responsabilisation. On pourrait la résumer par l’adage légèrement provocateur de « Demain tous médecins ». Mais quid des personnes fragiles, âgées, handicapées, qui sortent de ce cadre ?1
Une autre vision serait celle inspirée par le transhumanisme où l'ambition ultime est d'éliminer la souffrance, la maladie, le vieillissement, voire notre condition mortelle… Au risque d’entraîner des inégalités extrêmes, de dépendre du seul secteur privé organisé en quasi-monopole, et de faire du corps humain un produit marchand. « Demain, tous des machines ? »1
Enfin, une 3e vision, plus confidentielle, s’attache à une approche plus holistique de la santé. Elle considère donc que le progrès en santé repose sur des politiques de santé multidimensionnelles associant modes de vie (mobilité, logement, alimentation, organisation du travail) et système de santé et de soins classiques.1
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Des obstacles à franchir
L’intégration d’autant d’innovations soulève cependant de nombreux problèmes à résoudre. Il faudra d’abord assumer les conséquences de la prolongation de l’espérance de vie attendue. On estime que la proportion des plus de 65 ans va passer de 17 à 26 % en 2030, avec une très forte progression dans les quinze prochaines années liées au vieillissement des générations les plus nombreuses du babyboom.1,2 Nous devrons assurer la prise en charge au long cours de certaines pathologies tout en compensant le handicap et le vieillissement. Le coût des pathologies chroniques, qui touchent 15 millions de Français, s’alourdira d’autant plus vite que les progrès de la médecine permettent une survie durable et en meilleure santé !1,2
Vivre plus longtemps, en meilleure santé, mais aussi vivre mieux : les Français accordent de plus en plus d'importance à la qualité de vie, à la réduction des douleurs physiques et psychologiques, à la quête de bien-être... Cette prise en compte « au-delà des soins » de la valeur de la qualité de vie en santé pose des questions éthiques, fonctionnelles et économiques.1
Autre défi : les fruits de ces innovations devront être équitablement répartis au sein de la population afin de garantir un accès aux soins égal pour tous, tout en maintenant la soutenabilité financière et sociale du système.1,2 Et sans compter cet étrange paradoxe français : s’il est vrai que le reste à charge pour les ménages est très réduit (8 % de leurs dépenses de santé, soit moitié moins que dans les autres pays développés), il est tout aussi vrai que plus de 30 % des personnes les moins aisées renoncent aux soins pour des raisons financières...1
Les leviers du succès
On le voit, ces défis sont majeurs. Face au vieillissement de la population et de ses conséquences directes (perte d’autonomie, polypathologies...), il faut donc un système d’innovation pleinement efficace, c’est-à-dire à la fois :
- agile dans sa capacité à intégrer rapidement les innovations pour répondre aux besoins, aux attentes des patients et des professionnels ;
- performant, pour concrétiser les promesses du progrès scientifique et technique tout en faisant progresser l’efficience du système ;
- et équitable en faisant de l’accès de tous aux meilleures prises en charge de santé et de la réduction des inégalités une priorité majeure.2,3
Concrètement, de nombreuses actions pourraient être mises en place pour favoriser l’intégration de ces innovations en santé. Quelques exemples :
- Intégrer davantage les patients aux différentes phases du processus d’innovation, mieux prendre en compte leur avis dans l’évaluation de ces innovations.3
- Transformer les mécanismes d'évaluation et gagner en efficacité administrative pour permettre aux patients d'accéder plus vite aux traitements innovants.1
- Favoriser la collaboration entre les acteurs publics et privés pour identifier les innovations qui méritent le plus d’être déployées.3
- Anticiper l’arrivée des innovations afin de mieux organiser leur évaluation, de mieux les intégrer, de faire face aux éventuels surcoûts liés à leur développement ou encore d’adapter le système de soins.3
- Former les professionnels de santé à l’innovation. Les professionnels doivent être en mesure d'appréhender le changement, d'en tirer tous les bienfaits, de suivre le rythme du changement et d’être prêts à faire évaluer leurs pratiques en tenant compte des avancées technologiques.2
Un système de santé en mutation
Ces bouleversements scientifiques et technologiques ne seront pas sans effet sur notre système de santé. Il est probable que l’organisation des soins se modifie : les patients seront davantage impliqués dans le parcours de soins, certaines tâches habituellement réalisées par des médecins pourraient être déléguées vers des infirmiers ou des systèmes logiciels experts, les prises en charge à domicile devraient se démocratiser... Il est probable que dans le futur, nous ne raisonnions plus par secteur (soins de ville, soins hospitaliers, soins médico-sociaux...) mais que le système de santé se décloisonne et que les politiques publiques intègrent dans leur ensemble les différents leviers d’action impliqués dans la santé : prévention, dépistage, comportements, environnement et curatif. Dans cette mutation de notre système de santé, il faudra mener la bataille de l’efficience : face à la chronicisation de certaines maladies autrefois mortelles, il faudra sans nul doute trouver des économies dans l’organisation des soins.1
Dans le cadre de ces transformations, le numérique prendra encore davantage de place. Les NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication) vont en effet contribuer radicalement à la transformation du système de soins et de son organisation. On assistera donc, sous l’influence du numérique, à un véritable « décentrage » du système de soins : davantage axé sur le patient, nourri par de multiples solutions numériques et manipulant une quantité massive de données.2
En 2021, le président de la République a annoncé le volet santé France 2030 qui prévoit un ensemble de mesures législatives et règlementaires ainsi que 7,5 milliards d’euros avec l’ambition de faire de la France la nation la plus innovante et souveraine en santé d’Europe.
L’objectif est « d’accompagner les transformations de notre système de santé, au bénéfice de tous les Français, en produisant les traitements innovants tout en assurant la sécurité d’approvisionnement des produits essentiels ».4 Pour aider le pays à mettre en œuvre le volet santé France 2030, l’Agence de l’innovation en santé a été lancée le 31 octobre 2022. Elle a pour mission de coordonner les travaux sur la prospective en santé pour caractériser les besoins à venir du système de santé et d’anticiper leurs impacts sur le système de prévention et de soin.5
Au-delà de cette initiative gouvernementale, il est sûr que chacun aura un rôle à jouer pour que ces innovations soient largement adoptées, qu’il soit professionnel de santé ou simple usager.
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Références
- LEEM. Santé 2030. Une analyse prospective de l’innovation en santé. Edition 2020
- Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie. Rapport 2016 « Innovation et système de santé », tome 1.
- Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie. Avis du 13/07/2016 « Innovation et système de santé. »
- Ministère de la Santé et de la Prévention. Communiqué de presse de F. Braun du 21/10/2022.
- Gouvernement. Lancement de l’agence de l’innovation en santé. 02/11/2022. https://www.gouvernement.fr/actualite/lancement-de-lagence-de-linnovation-en-sante
MAT-FR-2302675 - 07/2023