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- Source : Campus Sanofi
- 8 mars 2024
3 maladies lysosomales qui affectent le poumon
Intervenant :
Pr Yurdagül UZUNHAN (Pneumologue, Paris)
Modérateurs :
Pr Bruno CRESTANI (Pneumologue, Paris)
Pr Sylvie LEROY (Pneumologue, Nice)
Au sommaire :
00:26 | Introduction sur les maladies lysosomales |
02:52 | Maladie de Gaucher |
05:45 | Maladie de Fabry |
07:53 | ASMD |
10:38 | Les 3 phénotypes d’ASMD |
11:15 | Conclusion |
12:23 | Debriefing |
Pr. Yurdagül Uzunhnan : 3 maladies lysosomales qui affectent le poumon
Pr Sylvie LEROY :
Nous remercions le professeur Yurdagül Uzunhan qui nous aborde les trois principales maladies lysosomales qui affectent le poumon. Merci Yurdagül.
Pr Yurdagül UZUNHAN :
Donc bonjour à tous. Je remercie donc le comité d'organisation de m'avoir invité pour parler de ce sujet. Donc voici mes liens d'intérêt.
Donc qu'est-ce que le lysosome ? Donc c'est un organite dont la découverte a été faite par Christian de Duve, physiologiste belge, donc ça lui a valu le prix Nobel de médecine en 74, alors qu'il travaillait initialement sur les mécanismes d'action de l'insuline. Comme quoi en recherche, on peut faire d'autres découvertes. C'est un organite intracellulaire qui mesure 0,2 à 0,5 microns et qui a un rôle très important dans l'homéostasie cellulaire et qui a la particularité d'avoir un pH acide pour le fonctionnement des hydrolase acides qui vont être importantes dans la digestion des macromolécules.
Donc qu'est-ce que c'est que les maladies lysosomales ? Eh bien, ce sont des affections monogéniques qui vont produire une accumulation de métabolites non dégradés, appelées donc produits de surcharge. Et on va parler aussi de maladie de surcharge lysosomales. Donc ce sont des affections qui vont concerner essentiellement les pédiatres puisque on va avoir des diagnostics parfois même in utero et puis qui peuvent également être observés à l'âge adulte et en particulier en pneumologie. C'est la raison pour laquelle on en parle ici.
Voici les différents organes atteints, donc ils peuvent être nombreux avec une pathogénie qui va dépendre en fonction de la mutation qui n'est pas simplement liée à l'excès du substrat qui ne va pas être dégradé, avec des phénomènes complexes différents en fonction des gènes mutés.
Et donc il y a actuellement plus de 70 maladies monogéniques, donc de surcharge, avec donc des maladies récessives autosomique pour la plupart et trois sont liées à l’X.
Si on prend l'incidence cumulée de toutes ces maladies lysosomales, on arrive à 1 sur 5000 naissances. Donc ça représente quelque chose d'assez important que les pédiatres connaissent bien. Avec donc différentes catégories de maladies lysosomales, les mucopolysaccharidoses, qui vont donner surtout des problèmes squelettiques, de développement qui vont conduire pour nous pneumologues, à des sténoses parfois trachéales ou des phénomènes de syndrome d'apnée du sommeil importants.
Et puis on va avoir donc les sphingolipidoses qui vont plus nous intéresser ici. Et donc j'ai entouré les maladies dont on va parler, à savoir donc par ordre de fréquence, la maladie de Gaucher, la maladie de Fabry et la maladie de Niemann-Pick qui a déjà été évoquée par Vincent Cottin.
Donc quelques données sur la maladie de Gaucher qui, comme vous le savez, est une maladie récessive autosomique liée à la mutation de la glucocérébrosidase qui va donner des manifestations systémiques avec notamment des atteintes hématologiques squelettiques, neurologiques et des organomégalies, avec notamment une hépatosplénomégalie. La prévalence en France est estimée à 1 pour 130 000 avec un registre français qui avait inclus en 2021 plus de 500 patients, essentiellement des adultes, 446 adultes, 75 enfants avec un âge médian au diagnostic de 22 ans. On décrit trois types de maladie de Gaucher, le type 1 étant le plus fréquent, 95 % des patients qui concernent essentiellement une population particulière avec un tableau d’hépatosplénomégalie, d'atteintes osseuses, avec des atteintes osseuses un peu particulières donc qui incluent également des phénomènes d’ostéonécrose, mais également une déformation diaphysaire qui est assez caractéristique, qui est dite en flacon d’erlenmeyer. Vous avez le flacon d’erlenmeyer juste à côté avec la déformation diaphysaire que vous voyez bien.
Donc ce sont des patients qui ne vont pas avoir d'atteinte neurologique. En dehors néanmoins de la maladie de Parkinson, qui semble être plus fréquente dans cette population.
Le type 2 est donc exceptionnel, 1 % des cas, et qui est donc caractérisé par une encéphalopathie aiguë à la naissance, avec un décès qui va survenir à moins de deux ans.
Et le type 3, qui concerne moins de 5 % des patients, qui est probablement celle qu'on va plus souvent voir avec une atteinte neurologique et des atteintes systémiques, avec notamment des atteintes d'organes pulmonaires.
Le diagnostic est basé sur l'activité de la glucocérébrosidase sanguine et la confirmation va donc arriver avec l'analyse du gène correspondant. Pour ce qui est des manifestations pulmonaires dans cette maladie, elles sont essentiellement en lien avec la restriction liée à l’hépatosplénomégalie.
Les données scanographiques d'imagerie dans cette population sont assez rares, en fait. Ici, un scanner qui vient donc d'une étude des collègues turcs qui ont rapporté quelques cas de maladie de Gaucher, notamment pédiatriques, qui décrivent du verre dépoli des septa épaissis. Alors ça rejoint les PIDs, on va dire pédiatriques habituellement, puisque c'est essentiellement des lésions de verre dépoli, de septas qu’on décrit chez ces patients-là. Donc ce n'est pas très caractéristique pour cette population-là de patients pédiatriques. L'hypertension pulmonaire donc dans 30 % des cas, et c'est très important de faire le diagnostic de cette maladie du fait de l'existence de traitements d’enzymothérapie substitutive avec pour lesquels on a un recul important.
La deuxième, donc en fréquence, c'est la maladie de Fabry qui est donc cette fois ci liée à une mutation du GLA sur le chromosome X donc qui va avoir un phénotype différent chez l'homme et chez la femme, avec un phénotype qui va être plus sévère du coup, chez l'homme, avec donc une hétérogénéité phénotypique chez la femme du fait du mosaïcisme de l'expression de l’X selon le phénomène de l'ionisation que vous connaissez. On décrit deux types de maladie de Fabry : le Fabry classique qui est lié à un déficit profond en alpha galactosidase acide, qui va donner donc des phénomènes d’acroparesthésie dans l'enfance, puis donc à l'âge adulte des phénomènes d’angio-kératomes. Je vous ai mis deux schémas, deux photos illustratrice de ces angio-kératomes qui ne sont pas pathognomonique de la maladie mais qui peuvent évoquer la maladie avec donc des attentes autres, l’anhidrose, l’hypohidrose, des atteintes rénales. Alors j'ai souligné les accidents vasculaires cérébraux sans cause évidente, la cardiomyopathie hypertrophique, les atteintes neurologiques ou irréelles, et puis l'atteinte cornéenne qui est décrite là encore de façon un peu particulière, mais qui n'est pas exclusivement due à ça. Dans la prise chronique de Cordarone, par exemple, on peut avoir la cornée verticillée.
Et puis, le deuxième type de maladie de Fabry c’est celle qui va être plutôt observée chez les adultes, qui est liée à un déficit plus modéré, avec donc là encore, des phénomènes plutôt aspécifiques, mais une cardiomyopathie hypertrophique, une atteinte ORL. Le diagnostic va encore reposer sur les taux élevés de lysoGb3, et puis donc le déficit en alpha galactosidase acide et donc la recherche de mutations sur le gène en question.
Pour ce qui nous concerne, ça va surtout être des tableaux bronchiques avec des troubles ventilatoires obstructifs et des épaississements bronchiques chez des patients qui peuvent être non-fumeurs. Les PIDs sont décrites, mais beaucoup plus rarement, et là encore, l'importance du diagnostic pour pouvoir prévenir les complications évolutives, notamment quand on voit les manifestations systémiques de ces maladies-là, donc c'est très important.
Donc je vous propose de parler maintenant de cette observation qui est cette patiente de 34 ans qu'on a pris en charge au décours de la COVID-19 avec donc une patiente qui ne décrivait pas de symptômes particuliers, pas de maladie particulière avant la COVID. On a un COVID qui a été particulièrement difficile, qu’elle a géré toute seule à domicile avec son médecin généraliste, elle était très fatiguée, avec un retentissement particulièrement sévère, mais c'était lors de la première vague.
Donc on la voit au décours avec un scanner qui a été réalisé quelques semaines après le COVID initial qui, comme vous le voyez, montre des épaississements de septa, quelques lésions en verre dépoli d'allure un peu nodulaire par endroits et une atteinte assez diffuse. Et puis donc une consanguinité, donc dans la famille est retrouvée à l'interrogatoire, une notion de frère qui a donc une sarcoïdose. Elle-même, donc a eu un bilan exhaustif de PID au diagnostic, c'est à dire qu'on lui a fait un bilan de retentissement fonctionnel qui montre surtout un retentissement sur la DLco. Un test de marche qui est plutôt conservé, un lavage au premier abord qui est dit normal et puis donc une recherche d'auto-immunité et un bilan étiologique qui est négatif.
Et vous, vous voyez ici ? ça ne vous échappe pas, la splénomégalie qui est assez nette. Donc on a une femme jeune, consanguinité, une splénomégalie, donc du verre dépoli, des septas épaissis. Alors j'ai rajouté le terme spumeux parce qu'effectivement le caractère spumeux n'est pas forcément décrit dans le lavage initial. Mais quand vous interrogez les anatomopathologistes, donc ce caractère spumeux est un élément encore plus orientant vers le diagnostic de maladie Niemann-Pick dont il s'agit ici.
Voici deux photos illustratives, justement d’histiocytes bleu de mer. C'est assez joli comme terme, que je reprends à partir de la publication d'Aurélie Hervé dans la Revue des maladies respiratoires, qui rapportait donc un cas avec les données du lavage alvéolaire et puis les fameux histiocytes bleus de mer dans la moelle. Donc le diagnostic repose donc sur les dosages de sphingolipides dans le sang et la confirmation de la mutation du gène SMPD1.
Et puis ici, le scanner de son frère. Je ne sais pas si j'ai encore le temps, mais globalement on est assez intrigué parce que bon, on le voit avec une notion de sarcoïdose antérieure et donc vous reconnaîtrez que ce n'est pas le tableau classique de sarcoïdose avec du verre dépoli assez étendu et y compris donc même pour la maladie Niemann-Pick a une présentation assez intrigante. Et puis par contre un retentissement fonctionnel assez marqué, puis on retrouve les éléments dont on a parlé tout à l'heure, à savoir le HDL-cholestérol diminué, les plaquettes un peu basses.
Donc ici, le tableau que j'ai emprunté au docteur Nadia Belmatoug, qui travaille donc dans un centre, qui s'est beaucoup impliqué dans ces maladies, dans le centre de référence dédié et donc qui montre les différents types de déficit en sphingomyélinase acide, avec la forme chronique viscérale qu'on retrouve ici chez nos patients, donc dites ASMD de type B, qui va donc donner des manifestations respiratoires qu'on connaît, avec donc l'évolution du phénotype en fonction des différents types d’ASMD.
En conclusion donc, les trois maladies lysosomales dont on a parlé ici, c'est par ordre de fréquence : la maladie de Gaucher, la maladie de Fabry, donc en sachant que c'est plutôt l'atteinte bronchique dans ces cas-là, et l’ASMD. C'est important de faire le diagnostic précoce de ces affections. Alors il faut être effectivement, il faut avoir le regard attentif, surtout quand on voit les patients post COVID. On a eu un deuxième cas récemment de diagnostic et de PIDs entre guillemets, post-COVID, et en fait il s'avère que les dosages enzymatiques sont également très perturbés.
Donc il faut y penser, y penser devant un verre dépoli avec des septas épaissis, penser quand on a une splénomégalie avec une thrombopénie associée à une PID. Quand on a dans ces situations-là notamment un HDL-cholestérol bas, ça doit être un élément en plus pour considérer ce diagnostic. Et bien évidemment la consanguinité ou le cas familial associé doivent également évoquer ces pathologies-là.
Voici les laboratoires qui peuvent donc doser justement les différentes enzymes et permettre les diagnostics.
Je vous remercie de votre attention.
Pr Bruno Crestani :
Est-ce qu’il y a des questions ?
Il y a des mots clés quand même que vous avez reconnus qui sont revenus dans les deux présentations : grosse rate. Et quand on regarde le scanner du thorax, on a la chance de voir donc la grosse rate, c'est absolument important la numération. Vous avez vu que dans ce cas, il y avait que 140 plaquettes, 140, pardon, giga, c'est déjà un signal de thrombopénie, donc ça peut être peu de choses. Mais si c'est extrêmement important.
Pr Vincent Cottin :
Juste mentionner qu'il y a actuellement dans le réseau OrphaLung une étude descriptive du phénotype pulmonaire pour essayer d'apprendre à mieux le reconnaître. Donc c'est le moment, si vous avez des cas, de les signaler au réseau OrphaLung.
ASMD : Déficit en sphingomyélinase acide
CPLF : Congrès de Pneumologie de Langue Française
PID : Pneumopathie interstitielle diffuse
240306104597JP - 03/2024