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- Source : Campus Sanofi
- 15 mai 2023
Cas clinique : Déficit en SphingoMyélinase Acide ou ASMD
Intervenant :
Dr Grégoire PREVOT (pneumologue, Toulouse)
Modérateurs :
Pr Bruno CRESTANI (pneumologue, Paris)
Dr Lidwine WEMEAU (pneumologue, Lille)
Au sommaire :
Présentation du cas clinique
Orientation étiologique
Discussion en DMD
ASMD : une maladie de surcharge lysosomale
Les différentes atteintes de l’ASMD de type B
Discussion & questions/réponses
Dr. Grégoire PREVOT : Déficit en SphingoMyélinase Acide ou ASMD : cas clinique
On va parler du déficit en sphingomyélinase acide, ou ASMD, et auparavant, maladie de Niemann-Pick B, au travers d'un cas clinique.
Voici mes différents liens d'intérêt.
On plonge effectivement dans la maladie rare avec une patiente de 41 ans qui a une dyspnée chronique, vraiment chronique, depuis plus de 10 ans. Une toux chronique également, depuis plus de cinq ans. Qui n'a pas de contexte particulier, professionnel, domestique, médicamenteux ou familial d'ailleurs. Qui n'est pas tabagique. Et qui a comme antécédent une tuberculose traitée en 1993, un reflux gastroœsophagien et une histoire un peu curieuse en 1999, pour une cause qui a été oubliée par l'histoire : un scanner a été fait avec une atteinte interstitielle qui aurait été identifiée et puis vraisemblablement négligée. Quand elle vient, elle a 84 kilos pour 1m52, un IMC à 36, une auscultation pulmonaire qui est normale, il n'y a pas d'hippocratisme digital et en extra thoracique, on n'a rien de notable. On a pu récupérer quelques informations de 1999 pourtant avec une patiente qui était asymptomatique, qui avait une fonction ventilatoire qui était bien préservée. Et en 2016, ce qui a essentiellement changé, ce sont les symptômes qui sont apparus d'une part et la DLCO qui a diminué, une capacité vitale qui est restée remarquablement stable en 17 ans, finalement.
On a pu retrouver les planches de scanner de l'époque. Ce sont des planches, ça explique le côté assez lumineux de l'image, mais il y avait quand même évidemment des anomalies plutôt à type de septa, septa interlobulaire.
En 2016, ce que l'on observe, ce sont des septa interlobulaire, mais également des lésions de verre dépoli qui sont bilatérales.
Et qui prédominent au niveau des bases, on voit bien sur la reconstruction, avec également des hyper clartés qui sont identifiés comme des kystes de lésions kystiques. Donc, verre dépoli, septa et lésions kystiques, le tout évolutif, mais assez lentement finalement, par rapport à 1999.
Si on reprend ce que nous a expliqué Pierre Yves sur l'orientation étiologique, en dehors du contexte, bien sûr, on est dans le contexte chronique : la sémiologique du verre dépoli avec des lésions élémentaires, la lésion prédominante. Là, c'est verre dépoli et septa. On a également des kystes, à voir ce que l’on fait dans la démarche ? La topographie lésionnelle à l'échelle du poumon : si on se concentre sur le verre dépoli, on était sur quelque chose d'inférieur et de symétrique. Les autres lésions associées : on n'avait pas d'emphysème, pas de condensation, pas d’adénopathie hilaire bilatérale et atteinte hépato-splénomégalie, on en reparlera plus tard. Si on regarde dans le schéma qui nous a montré également sur les pneumopathies interstitielles diffuses, tout ce qui était lié au tabagisme était écarté chez cette patiente, il n'y avait pas de manifestation auto-immune, il n'y a pas de contexte environnemental, il n'y avait donc pas de médicament, pas de notion d'éosinophilie circulante. Et donc, finalement, on peut se poser la question : « est-ce qu'on n'est pas dans une pathologie vraisemblablement rare ? »
Si on prend le mode d'entrée « verre dépoli chronique et ligne septale », on aurait pu prendre « verre dépoli et kyste ou ligne septale et kyste », mais peut être avec un peu moins de chance de trouver beaucoup d'idées diagnostiques. Si on rentre « verre dépoli chronique, ligne septale et maladies rares », ceci n'est pas exhaustif, mais on évoque la protéinose alvéolaire auto-immune. On peut évoquer certaines formes d'amylose, mais très souvent, il y a quand même des condensations associées ou des nodules. La maladie d’Erdheim-Chester : une histiocytose non langerhansienne. Une maladie vénéoclusive avec hypertension pulmonaire. Une hémorragie intra alvéolaire de cause non vascularétique, non connectivite, non médicamenteuse, non toxique, une hémosidérose idiopathique. Une microlithiase alvéolaire dont l'aspect scannographique peut parfois être trompeur. Quand c'est localisé, une sténose de veine pulmonaire assez rare. Ou bien alors le cas de madame B.
Cette patiente avait eu une endoscopie bronchique avant qu'elle nous soit adressée. Il y avait une alvéolite qui est quand même 1 000 éléments par mètre cube, 79% de macrophages. On n'avait pas d'information finalement sur la caractéristique de ces macrophages. C'est un peu la seule raison pour laquelle ce LBA a été à nouveau fait. On retrouve l’alvéolite à 750 globules blancs. Effectivement, il y a 81% de macrophages, mais l'information que l'on a en plus, c'est que ces macrophages sont spumeux.
On arrive finalement, en discussion multidisciplinaire, à discuter de cette association verre dépoli, septa, qui est ce qu'on met un petit peu plus de côté, avec des macrophages spumeux sur une pathologie chronique d'évolution très lente. Et en relecture scanographique, il est observé que oui, le volume de la rate est un petit peu augmenté, 450 millilitres pour une normale inférieure à 300. Et donc, il y a une splénomégalie qui est associée. Et l'association de ces différents éléments nous fait évoquer à ce moment-là l'ASMD chronique viscérale type B, c'est à dire la maladie de type Niemann-Pick de type B.
Alors de quoi est-ce qu'il s'agit ? C'est une maladie de surcharge lysosomale. Les lysosomes sont des organelles intracellulaires qui sont là pour dégrader les macromolécules qui viennent aussi bien de l'extracellulaire et qui sont rentrés par endocytose, que de l'intracellulaire et qui viennent de l'autophagie. Il y a énormément d'enzymes, finalement, dans ces lysosomes et un déficit enzymatique peut entraîner une pathologie de surcharge et la surcharge dépendra bien sûr de l'enzyme qui est concerné par l'anomalie. Il y a différents types de pathologies. Lorsque c'est le gène SMPD1 qui est touché, ça sera donc l’ASMD ou anciennement appelée maladie de Niemann-Pick. En pneumologie, on peut être intéressé par d'autres types de pathologies de surcharge lysosomale. Dans les pathologies respiratoires par atteintes musculaires, on évoque très souvent la maladie de Pompe. On est assez moins souvent sollicité, mais parfois, pour les atteintes des voies aériennes, notamment avec la mucopolysaccharidoses, on peut avoir également la maladie de Fabry, vous avez une atteinte interstitielle rarement vasculaire pulmonaire, dans la maladie de Gaucher, par exemple. Cette maladie de surcharge de lysosomale regroupe un très grand nombre qui n'est pas exhaustif ici, de différents types de pathologies et l’ASMD fait partie des maladies de surcharge lysosomales.
C'est donc une maladie de surcharge qui est autosomique récessive. Il en existe plusieurs types. Ici, c'est le A, ici, c'est le B et ici, c'est le C. Ce qu'on apprend dans cette case-là, la B, c'est qu'elle est assez intéressante pour nos pneumologues parce que le début, c'est plutôt chez les adolescents, mais également chez les adultes jeunes et que l'atteinte respiratoire est extrêmement fréquente. D'autre part, contrairement à l'atteinte de type A ou de type C, on a également une atteinte neurologique qui est mineure, voire absente, si bien que l'atteinte pulmonaire, tout comme l'atteinte digestive d'ailleurs, peut être le mode d'entrée dans la maladie. Donc, le pneumologue peut être le diagnostiqueur de la maladie ASMD.
Les présentations scanographiques, typiquement, c'est ce verre dépoli, les lignes septales qui sont régulières. Parfois, il peut y avoir un aspect de crazy paving et une prédominance basale des lésions, en tout cas, pour ce qui est du verre dépoli.
Après, il peut y avoir des atteintes beaucoup variées selon l'intensité des lésions. Le verre dépoli peut être plus ou moins marqué, comme ici, ou des lignes septales qui sont plus ou moins marquées, comme là, dans ce papier de 2006.
Il peut y avoir d'autres lésions associées. On a vu les kystes dans le cas de cette patiente. Dans un cas de PY Brillet, une présentation assez emphysémateuse, assez différente de ce que l'on a vu là. Et dans un cas de L Wemeau, des atteintes avec des micronodules, qui est donc une autre forme possible de présentation ou de signe élémentaire associé aux autres signes dans la maladie ASMD.
Parfois, c'est beaucoup plus inhabituel. Il y a un seul cas rapporté avec ça et c'était Chest 2021, où c'est une forme d'ASMD de présentation, dilatation de bronches, vraie dilatation de bronches, avec finalement pas beaucoup d'autres éléments orientant vers la maladie sur cet aspect scanographique.
Le rôle de l'endoscopie bronchique est essentiel, comme vous l'avez vu. L’alvéolite est légèrement importante, avec des grands macrophages au cytoplasme spumeux, finement vacuolisés. Les biopsies distales, elles ne sont pas requises. C'est vrai que quand il y a du verre dépoli, des septas, on peut être tenté de faire quand même des biopsies distales. Si elles sont faites, on va retrouver ces macrophages spumeux dans les alvéoles, mais également dans les cloisons. Il peut parfois y avoir une petite fibrose interstitielle observée.
Les atteintes extra respiratoires de l'ASMD B chronique viscérale, celles qui nous intéressent, sont assez essentielles et c'est ça qui va nous aider quand même beaucoup à évoquer le diagnostic. L'élément qui n'est pas constant, mais qui est vraiment essentiel, c'est l'hépato-splénomégalie. C'est 75% des cas. Parfois, dans ce cas de Raphaël, il y avait des calcifications surrénaliennes qui peuvent être ajoutées, ce qui est très fréquent, mais qui est difficile, tellement courant que ce n'est pas forcément un élément très définitif. Mais l’ostéopénie et l'ostéoporose sont très observés, 90% des cas. L'atteinte neurologique est donc peu marquée, voire pas marquée. On peut faire une recherche de la tache rouge cerise dans la région maculaire de la rétine, mais les patients arrivent rarement avec ça dans leurs antécédents, 30 % des cas. Du fait du profil lipidique particulier dont on va reparler, il y a quand même plus de coronopathie chez ces patients-là. Mais l'élément essentiel quand même, c'est clairement l'hépato-splénomégalie.
Il va y avoir des conséquences biologiques de l'hépato-splénomégalie et celles-ci vont avoir un poids plus ou moins important. On a des choses qui sont assez classiques, qui ne vont peut-être pas beaucoup nous orienter : les perturbations du bilan hépatique, une hyperféritinémie, une petite thrombopénie qui est légère à modéré ou une anémie à rapprocher de l'hypersplénisme. Mais il y a un élément quand même qui est vraiment important. Et ça, c'est vrai qu’on ne pense pas forcément toujours à faire un bilan lipidique devant un patient qui a une pathologie en verre dépoli et septal et qui n'a pas de cause évidente. Et pourtant, ce bilan lipidique peut être vraiment important puisqu'on a une baisse du HDL, ce qui n’est quand même pas hyper fréquent. Et le rapport cholestérol total sur HDL est élevé chez 90% des patients. Donc, un bilan lipidique dans ce genre de situation peut quand même être assez intéressant pour nous orienter vers cette pathologie.
Si on rentre dans la suspicion du diagnostic, que ce soit par l’entrée d'organomégalie ou bien par l'atteinte interstitielle pulmonaire, le diagnostic il est assez simple une fois qu'il est évoqué, finalement, puisque c'est simplement un dosage de l'activité de l'enzyme sphingomyélinase acide. Qu’on peut parfois répéter si c’est équivoque, et s’il est bas, ça va mener à une enquête génétique qui va confirmer le diagnostic.
Le retentissement respiratoire de l’ASMD est donc fréquent, en gros 40% des patient aussi bien pédiatrique qu’adulte qui ont une ASMD sont dyspnéiques. Et 2 sur 5 ont des infections respiratoires. L’altération de la fonction n’est pas forcément très importante, quand on regarde les seuils, mais 50% ont quand même une CVF à moins de 80%, et 75% ont une DLCO en dessous de 80%. L’élément qui est vraiment essentiel c’est que dans l’ASMD, le scanner thoracique est pathologique dans 70% des cas ou peut-être plus, justement dans 90% des cas. Il n’y a aucune corrélation entre les différents éléments en termes de sévérité. L’atteinte peut évoluer sur l’intensité de l’atteinte, qui de modérée peut devenir sévère, également sur la diminution potentiel sur la DLCO aussi bien dans les populations pédiatriques que dans les populations adultes. C’est une évolution qui est lente mais qui est présente.
Finalement en synthèse, sur l’ASMD et le poumon, elle peut être révélée par atteinte respiratoire, c’est pour ça que c’est important qu’on y soit sensibilisé même si ça nous arrive rarement, mais c’est un diagnostic qu’il ne faut pas rater. On y pensera particulièrement devant une PID devant verre dépoli et septale, sans cause courante, avec macrophage spumeux au lavage broncho-alvéolaire, une hépato-splénomégalie, et un HDL cholestérol bas. Le bilan respiratoire s’impose si on vous appelle « est-ce qu’il faut faire un bilan chez un patient à qui je viens de diagnostiquer un ASMD ? », vous y répondrez « oui, bien sûr » parce que c’est une atteinte qui est fréquente, il y a une mortalité qui est associé, il y a des mesures thérapeutiques à engager, et bien sûr il faudra le suivre.
Voilà je vous remercie.
7000042531 - 05/2023