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- Source : Campus Sanofi
- 22 juil. 2024
La gazette de l’asthme sévère : exercice physique
L’inactivité physique est fréquente chez les asthmatiques, en particulier les personnes atteintes d’asthme sévère. Cette comorbidité extrapulmonaire peut altérer la fonction respiratoire, le contrôle de l’asthme, la qualité de vie, la santé mentale, la sévérité de la maladie, et augmenter le risque d’exacerbation et les dépenses de santé. Or, l’inactivité physique est un facteur de risque modifiable. Changer les comportements et trouver des stratégies pour maintenir les acquis dans le temps se révèlent être un véritable enjeu de santé publique. Nous vous proposons 3 publications récentes pour vous faire découvrir les notions majeures à garder en mémoire quand on parle d’activité physique et de patients asthmatiques.
Bénéfice de l’activité physique dans l’asthme sévère.
Propos recueillis auprès du Dr Jérémie Taverne, pneumologue à l’hôpital Foch, Suresnes
Prescrire de l’activité physique adaptée aux patients asthmatiques permet de compléter la stratégie non pharmacologique de leur prise en charge, mais les modalités de mise en œuvre manquent dans les recommandations de bonne pratique. Cette méta-analyse a évalué les bénéfices des programmes visant à augmenter l’activité physique des adultes atteints d’asthme sévère.
Pour mener cette étude, une recherche exhaustive a été réalisée dans plusieurs bases de données, incluant MEDLINE, CINAHL, Embase, PubMed, Informit, SPORTDiscus et Cochrane, jusqu’en septembre 2021. Les critères d’inclusion comprenaient des études portant sur des interventions fondées sur l’activité physique d’une durée d’au moins 2 semaines chez des adultes de 18 ans et plus, avec un diagnostic d’asthme sévère. Les études devaient également rapporter au moins un résultat lié à l’activité physique, comme le nombre de pas par jour ou le temps consacré à l’activité physique.
Sur 12 042 articles sélectionnés, 4 études contrôlées randomisées, impliquant 176 adultes inactifs, atteints d’asthme modéré à sévère, ont été retenues. Les interventions analysées étaient hétérogènes, constituées soit d’efforts en endurance ou contre résistance, soit d’efforts fractionnés à haute intensité, voire consistaient en un programme non supervisé, fondé sur l’utilisation de podomètres. Les résultats ont montré une augmentation significative du nombre de pas quotidiens chez les participants bénéficiant d’un des programmes comparativement aux groupes témoins, ainsi qu’une amélioration du contrôle de l’asthme, de la qualité de vie et du VO2max :
- augmentation moyenne de 1 588 pas par jour (IC95 : 399-2 778 ; p = 0,009; I2 = 23 %) par rapport aux groupes témoins;
- amélioration de l’ACQ (Asthma Control Questionnaire) avec une différence moyenne (DM) de −0,65 (IC95 : [−0,95; −0,35]; p < 0,0001; I = 0%).
- les participants ont rapporté une amélioration de leur qualité de vie avec une DM de 0,56 (IC95 : 0,10-1,01 ; p = 0,02 ; I2 = 16 %) sur le questionnaire de qualité de vie spécifique à l’asthme (AQLQ, Asthma Quality of Life Questionnaire);
- gain significatif du VO2max avec une DM de 1,32 (IC95 : 0,81-1,82 ; p < 0,0001 ; I2 = 0 %).
Les auteurs concluent qu’il existe des preuves prometteuses de l’efficacité des différentes interventions visant à augmenter l’activité physique dans l’asthme sévère. Ces résultats confirment l’importance de l’activité physique comme complément de la gestion de l’asthme. Cependant, il serait nécessaire de mener des études de meilleure qualité et à plus grande échelle afin de mieux cibler les modalités thérapeutiques.
La réhabilitation pulmonaire (RP) est un programme de prise en charge global incluant l’exercice physique, l’éducation thérapeutique et le soutien psychosocial, avec des résultats prouvés chez les patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Cependant, son efficacité n’a pas été suffisamment étudiée chez les patients souffrant d’asthme sévère. Cette étude vise à évaluer les effets à court et à long terme de la RP à domicile sur la tolérance à l’exercice, la qualité de vie, l’anxiété et la dépression chez les patients souffrant d’asthme sévère comparativement à ceux touchés par la BPCO.
Cette étude rétrospective a inclus 28 patients asthmatiques sévères et 164 patients atteints de BPCO. Ils ont tous suivi un programme de RP à domicile entre janvier 2014 et juin 2016, et bénéficié d’un suivi d’au moins 12 mois. Le programme de RP comprenait des visites hebdomadaires de 1,5h à domicile pendant 8 semaines, incluant des séances d’exercice, de l’éducation thérapeutique et un soutien psychosocial. Le critère principal de l’étude était l’évolution du nombre de pas lors d’un test de marche de 6 minutes sur stepper (6MST) depuis l’inclusion. Les critères secondaires étaient les scores d’anxiété et de dépression (HAD), ainsi que la qualité de vie (score VSRQ). Chez les patients asthmatiques sévères, le 6MST était meilleur après la RP, passant de 450 ± 148 lors de l’inclusion à 504 ± 150 (p = 0,043) puis à 538 ± 163 (p = 0,016) à 12 mois. Le VSRQ était plus élevé à 12 mois, passant de 32,2 ± 12,4 lors de l’inclusion à 39,0 ± 18,6 (p = 0,049) à 12 mois. En revanche, les scores d’anxiété et de dépression n’ont pas montré de changements significatifs à court ou à long terme.
L’étude du Dr Grosbois souligne que cette réhabilitation personnalisée à domicile est bien adaptée aux patients asthmatiques sévères et en particulier qu’elle améliore durablement la tolérance à l’effort et la qualité de vie.
Les recommandations de la Global Initiative for Asthma (GINA) incitent les patients à avoir une activité physique régulière, mais ne précisent ni le type ni le volume des efforts à produire. Cette étude a analysé l’impact de l’activité physique et du comportement sédentaire (CS) de manière indépendante ou combinée sur le contrôle clinique de patients atteints d’asthme modéré à sévère. Pour rappel, le CS est défini comme toute dépense énergétique, en éveil, inférieure à 1,5 MET (ex.: la lecture, le travail sur écran, regarder la télévision, conduire).
Cette étude transversale bicentrique a inclus 426 patients souffrant d’asthme modéré à sévère selon les critères du GINA. Ces patients étaient âgés de 18 ans et plus, sans exacerbation le mois précédant l’inclusion et avec un traitement suivant les recommandations internationales. Les niveaux d’activité physique et de CS ont été mesurés via un accéléromètre. Ce dispositif a permis d’évaluer le nombre de pas quotidiens, le volume de l’activité modérée à vigoureuse (MVPA) et le temps passé en CS, et enfin de définir des cut-off classant les patients comme actifs/inactifs et/ou sédentaires/non sédentaires. Les résultats ont montré que les participants marchant plus de 7500 pas par jour présentaient un meilleur contrôle de l’asthme (ACQ) que ceux comptabilisant un nombre de pas inférieur à cette cible, et cela indépendamment du niveau de sédentarité. Plus précisément, 43,9 % des patients actifs et sédentaires et 43,8 % des patients actifs et non sédentaires avaient un asthme contrôlé, contre seulement 25,4 % des inactifs et sédentaires et 23,9 % des inactifs et non sédentaires (p < 0,02) (figure). Les patients qui pratiquent plus de 150 minutes de MVPA ont un meilleur contrôle de leur asthme.
Cette étude souligne que le contrôle de l’asthme ne semble pas être influencé par le CS mais plus spécifiquement par le volume d’activité physique. Le seuil identifié de 7500 pas est un objectif simple à mettre en œuvre pour les asthmes sévères et, idéalement, à pérenniser dans le temps pour maintenir les acquis. Enfin, cette étude confirme les données de l’OMS qui encouragent les adultes à pratiquer 150 à 300 minutes d’activité physique aérobie d’intensité modérée à intense par semaine pour améliorer leur santé.
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D’après McLoughlin RF et al. Increasing physical activity in severe asthma: a systematic review and meta-analysis. Eur Respir J 2022;60:2200546.
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D’après Grosbois JM et al. Long-term effect of home-based pulmonary rehabilitation in severe asthma. Respir Med 2019;157:36-41.
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D’après de Lima FF et al. Physical activity and sedentary behavior as treatable traits for clinical control in moderate-to-severe asthma. J Allergy Clin Immunol Pract 2024;S2213-2198(24)00274-5.
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