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- Source : Campus Sanofi
- 8 janv. 2024
La gazette de l’asthme sévère : Focus Rémission
Rémission dans l’asthme sévère : un pas en avant vers une nouvelle définition.
Propos receuillis auprès du Pr Laurent Guilleminault et du Pr Gilles Devouassoux
La lutte contre l’asthme sévère entre dans une nouvelle ère avec l’émergence d’un objectif ambitieux : la rémission. Cette étude datant de 2020 avait donc posé les fondements d’un changement de paradigme dans le traitement de l’asthme. L’objectif de la prise en charge d’un patient asthmatique serait de viser la rémission de l’asthme au-delà du seul contrôle des symptômes. L’étude a souhaité définir un cadre généralisé pour la rémission clinique mais aussi complète de l’asthme, avec et sans traitement, développé sur la base de la littérature médicale et d’un consensus d’experts.
L’étude menée par un consortium international de 8experts américains et européens a utilisé une méthode de type Delphi modifié pour atteindre un consensus sur ce que constitue la rémission de l’asthme. Cette méthode a impliqué plusieurs phases : identifier les maladies inflammatoires chroniques ayant pour objectif de traitement la rémission avec une définition établie (étape 1), déterminer les composantes clés de la rémission de l’asthme (étape 2) et enfin, proposer un cadre général pour la rémission de l’asthme en tant qu’objectif de traitement (phase 3).
Une proposition de la définition de la rémission clinique et de la rémission complète avec ou sans traitement, fondée sur le retour des experts à l’étape 2, peut se résumer de la façon suivante : la rémission clinique comprendrait, pour une durée minimale de 12 mois, (1) l’absence maintenue de symptômes significatifs selon un instrument validé, (2) une optimisation et une stabilisation de la fonction respiratoire, (3) un accord patient-professionnel de santé concernant la rémission de la maladie et (4) une absence de recours à l’usage de corticoïdes systémiques. La rémission complète ajouterait à cela la résolution objective de l’inflammation liée à l’asthme (éosinophilie sanguine, FeNO, etc.) et, le cas échéant, l’absence d’hyper-réactivité bronchique. La rémission hors traitement nécessiterait l’absence de traitement de l’asthme pendant 12 mois ou plus.
Cette étude pose les bases d’un cadre général pour la rémission de l’asthme, envisagé comme un premier pas vers le développement de la rémission comme objectif de traitement. Les définitions proposées par le groupe d’experts étaient volontairement générales, afin qu’elles puissent être ajustées à l’avenir grâce à de futurs essais cliniques et à l’avis des patients. Cela représente une avancée significative dans la manière dont nous envisageons et traitons l’asthme. La rémission ne serait pas seulement un espoir, mais une réalité accessible et mesurable.
L’asthme sévère concerne environ 10 % des asthmatiques et pose un défi significatif en termes de traitement et de gestion des soins. Actuellement, diverses définitions sont utilisées dans la pratique clinique et dans la littérature pour identifier la rémission de l’asthme telle que la rémission clinique, la rémission inflammatoire ou la rémission complète. L’objectif principal de cette étude menée par le Réseau italien de l’asthme sévère (SANI) était d’établir, grâce à une méthode Delphi, un consensus d’experts sur la définition de la rémission de l’asthme.
Un total de 32 affirmations divisées en 4 catégories principales a été développé : questions générales sur la rémission, critères de rémission clinique, rémission clinique complète ou partielle, sa durée et les valeurs seuils de différents scores concernant le contrôle de la maladie, la fonction respiratoire et l’inflammation. 80 experts ont été invités à répondre à ces items via 2 tours d’analyse (rounds 1 et 2), avec un consensus défini par un accord d’au moins deux tiers des participants (66,6 %).
Lors du 1er round, un large consensus a été obtenu pour 13 des 23 déclarations avec 53 experts, sur (tableau I) :
- les critères composites de la rémission clinique comportant l’absence de symptôme, l’absence d’exacerbation et l’absence de recours aux corticoïdes systémiques ainsi que la stabilisation de la fonction respiratoire ;
- la rémission complète : l’absence de besoin de corticoïdes oraux, l’absence de symptôme, l’absence d’exacerbation ainsi que la stabilisation de la fonction respiratoire ;
- la rémission clinique partielle : un recours aux corticoïdes systémiques non nécessaire et la présence de 2 des 3 critères suivants, à savoir l’absence de symptôme, l’absence d’exacerbation et la stabilité de la fonction respiratoire.
Tableau I. Définition de la rémission clinique selon les résultats majeurs obtenus lors de l’analyse Delphi. | |
Comment la rémission clinique devrait être définie | |
Définition | La rémission clinique est définie par une mesure composite de plusieurs critères |
Critères | • Absence de symptôme d’asthme • Absence d’exacerbation ou de crise d’asthme • Fonction respiratoire stable • Plus besoin de traitement par corticoïdes oraux • Normalisation de la qualité de vie liée à l’asthme • Réduction cliniquement pertinente de l’inflammation bronchique • Accord entre le patient et le médecin concernant la rémission de la maladie |
Temps | Pendant au moins 12 mois |
Scores | • Score du test de contrôle de l’asthme (ACT): de 20/25 à 25/25 • Score du questionnaire de contrôle de l’asthme (ACQ) < 1,5 |
La notion de temps a aussi été abordée avec une durée minimale de 12 mois sans exacerbations et une notion de rémission persistante si les résultats se maintenaient à 1 an pour 37 % des votants ou à 3 ans pour 52,8 % (tableau I). Concernant les patients atteints d’asthme sévère qui recevaient un traitement biologique, il n’y a pas eu de consensus concernant l’arrêt ou la poursuite du traitement biologique.
De même, il n’y avait pas de consensus sur le fait que l’asthme puisse être complètement contrôlé avec des traitements biologiques. Lors du 2nd round, un nombre équivalent de votants a confirmé les consensus précédents en dehors de la durée qui a obtenu le meilleur consensus pour une durée de 1 an. De même, un ACT (test du contrôle de l’asthme) entre 20 et 25 ou un ACQ (questionnaire sur le contrôle de l’asthme) < 1,5 correspond à une rémission clinique pour une majorité des votants (tableau I). Des taux d’éosinophiles < 0,3 G/L et FeNO < 25 ppb ont été reconnus comme des marqueurs de rémission inflammatoire mais sans consensus. Pour terminer, aucun consensus n’a été obtenu sur l’ampleur de l’amélioration du VEMS, ni sur les notions de qualité de vie.
Cette recherche a consolidé la définition de rémission clinique de l’asthme sévère. La méthode Delphi a confirmé la rémission clinique comme un résultat approprié pour évaluer l’efficacité des thérapies, reflétant un consensus scientifique et clinique crucial pour la gestion future de l’asthme sévère. Les consensus obtenus lors de ce Delphi signifient que les notions de rémission clinique et les éléments qui la constituent sont adoubés par les experts en charge de l’asthme sévère sur le terrain
Dans la pratique, l’asthme semble se résorber ou s’atténuer avec le temps chez certains patients. Cependant, à la différence d’autres domaines médicaux tels que l’oncologie, il n’existe en 2023 aucun standard de définition mutuellement acceptable de la rémission de l’asthme ou de la rémission clinique sous traitement.
Un groupe de 11 experts américains et canadiens (6 allergologues, 3 pneumologues et 2 pédiatres) composé de membres des 2 principales sociétés d’allergie, une société respiratoire et une société pédiatrique s’est constitué. Il a examiné la littérature de manière pragmatique pour explorer les différentes définitions de la rémission suggérées par les consensus d’experts et recommandations locales qui ont été publiées sur le sujet. Le groupe s’est accordé à considérer que parvenir à un état de rémission de l’asthme constituait un objectif ambitieux, en raison de la connotation historique du terme qui implique un contrôle intégral de la maladie sans recours à une médication. Dans cette optique, les experts ont proposé 6 critères définissant ce que serait, selon eux, une “rémission clinique de l’asthme sous traitement”, chaque critère ayant été discuté et voté selon une méthode Delphi modifiée avec un taux minimal de consensus fixé à 75 %. Les 6 critères indiqués dans le tableau II :
Tableau II. Rémission clinique de l’asthme selon les critères de traitement. |
Tous les critères suivants doivent être remplis sur une période de 12 mois et peuvent s’appliquer aux patients recevant un traitement par anticorps monoclonaux (traitement biologique) pour l’asthme |
1. Pas d’exacerbation nécessitant une visite chez le médecin, des soins d’urgence, une hospitalisation et/ou le recours à des corticoïdes systémiques pour l’asthme (forme orale ou injectable). 2. Pas d’absence au travail ou à l’école sur une période de 12 mois en raison de symptômes d’asthme. 3. Fonction respiratoire stable et optimisée, mesurée en toute occasion, sur une période de 12 mois, avec ≥ 2 mesures durant cette période. 4. Utilisation continue des traitements de fond (par exemple, corticoïdes inhalés, corticoïdes inhalés/agonistes des récepteurs β2 de longue durée d’action, antagonistes des récepteurs aux leucotriènes) uniquement à faible ou moyenne dose de corticoïde inhalé, tel que défini par les directives du GINA les plus récentes. 5. ACT > 20, AirQ < 2, ACQ < 0,75 ou tout autre instrument validé, mesurés à toutes les occasions au cours des 12 mois précédents, avec ≥ 2 mesures durant cette période. 6. Symptômes nécessitant un traitement de secours (β2-mimétique à courte durée d’action, corticoïde inhalé + β2-mimétique inhalé à courte durée d’action, corticoïde inhalé + β2-agoniste à longue durée d’action): pas plus de 1 fois par mois |
Le groupe de travail considère cette définition comme une base de leurs réflexion et opinion personnelle. Ils conçoivent qu’un autre groupe pourrait avoir des conclusions différentes. Ils souhaitent ainsi encourager des recherches complémentaires et plus approfondies telles que des gains de qualité de vie ou l’identification des prédicteurs de rémission sous traitement. Ces futurs résultats pourraient générer de nouvelles données dans la prise en charge des patients asthmatiques et certainement faire évoluer les définitions consensuelles actuelles de la rémission de l’asthme proposées par différents groupes d’experts mais également définir une prise en charge spécifique à adopter en cas de rémission.
Références
- D’après Menzies-Gow A et al. An expert consensus framework for asthma remission as a treatment goal. J Allergy Clin Immunol 2020;145(3):757-65
- D’après Canonica GW et al. Severe asthma network Italy definition of clinical remission in severe asthma: a Delphi consensus. J Allergy Clin Immunol Pract 2023:S2213-2198(23)00816-4.
- D’après Blaiss M et al. Consensus of an American College of Allergy, Asthma, and Immunology, American Academy of Allergy, Asthma, and Immunology, and American Thoracic Society workgroup on definition of clinical remission in asthma on treatment. Ann Allergy Asthma Immunol 2023:131(6):782-5.
7000045723 - 01/2024