- Article
- Source : Campus Sanofi
- 2 nov. 2023
La gazette de l’asthme sévère : Inflammation type 2
L’asthme sévère est une pathologie chronique qui peut être caractérisée par plusieurs profils phénotypiques, pouvant eux-mêmes se subdiviser en endotypes. La compréhension de ses mécanismes moléculaires sous-jacents est une opportunité précieuse à considérer. Nous vous proposons une sélection de 3 études récentes apportant des éclairages et des précisions sur la prise en charge des patients asthmatiques sévères.
Les patients asthmatiques peuvent être classés selon différents phénotypes et endotypes en fonction des caractéristiques cliniques et des mécanismes moléculaires sous-jacents. Des données ont suggéré que la sévérité de la maladie pouvait être corrélée à certains biomarqueurs. Les travaux d’Ella Flinkman ont ainsi évalué la corrélation entre le nombre d’éosinophiles et le nombre de neutrophiles sanguins en fonction des caractéristiques cliniques et moléculaires chez des patients souffrant d’asthme à l’âge adulte.
Au total, 203 patients de l’étude “Seinäjoki Adult Asthma” ont été inclus. Grâce à la mesure des taux d’éosinophiles et de neutrophiles, les patients ont été répartis dans 4 groupes et ont été suivis pendant 12 ans : 108 paucigranulocytaires (PG), 60 neutrophiliques(N), 21 éosinophiliques (E) et 14 mixes (M). Les cut-off sont empiriques avec 0,30 × 109 cellules·L-1 pour les éosinophiles et 4,4 x109 cellules·L-1 pour les neutrophiles.
Sans surprise, les mesures montrent que les patients N, E et M avaient un asthme plus sévère que les patients PG. Les patients N et E étaient associés à des doses d’antibiotiques prescrites plus importantes. Plus précisément, les patients N avaient l’indice de masse corporelle le plus haut, avec les plus fortes doses de corticoïdes inhalés et le maximum de consultations respiratoires imprévues pendant les 12 années de suivi. Ils présentaient également une augmentation des taux de protéine C réactive à haute sensibilité, de métalloprotéinase 9 matricielle, d’IL-6, de leptine et des récepteurs solubles plasminogènes de l’urokinase activateur. Quant aux patients E, ils avaient plus de polypes nasaux, plus de sinusites suspectées, un déclin plus important de la fonction respiratoire et des taux plus élevés de périostine, de FeNO et d’IgE.
L’auteur a souhaité illustrer de façon neutre et grâce à des examens sanguins simples que l’état bronchique des patients pouvait être évalué, sans se prononcer sur l’inflammation lymphocytaire Th2High et Th2Low.
Le nombre de neutrophiles et d’éosinophiles sanguins reflète de façon significative des schémas inflammatoires sous-jacents et désigne des différences importantes entre les caractéristiques cliniques et le phénotype des patients (figure 1).
© La Lettre du Pneumologue - Éditeur EDIMARK
Figure 1. Schéma récapitulatif des résultats statistiquement significatifs de l’étude concernant les caractéristiques cliniques en fonction du statut éosinophilique et neutrophilique.
L’asthme Th2High est de plus en plus reconnu comme une maladie hétérogène, composée de plusieurs endotypes. Cependant, dans la population asthmatique générale, la prévalence et la distribution des biomarqueurs T2 en fonction de la sévérité de l’asthme et entre les différents compartiments restent encore largement méconnues. L’objectif de cette étude était de décrire l’expression et les concomitances des biomarqueurs T2 à la fois dans les voies respiratoires et au niveau systémique chez une population asthmatique cliniquement représentative.
Les auteurs souhaitaient confirmer que la coactivation des voies inflammatoires ainsi que l’inflammation éosinophile globale dans les différents compartiments étaient plus fréquentes chez les patients atteints d’asthme sévère. L’étude de vraie vie BREATHE est une étude multicentrique et transversale qui a permis de recruter pendant 2 ans des patients asthmatiques et/ou avec une BPCO dans 5 centres au Danemark et en Suède. Les patients ont été stratifiés selon leur statut asthmatique : asthme sévère ou asthme léger à modéré. Ils ont ensuite été groupés selon leurs biomarqueurs T2 : éosinophiles sanguins (B-EOS) ou d’expectoration (S-EOS) (≥ 0,3 × 109 cellules·L-1 et 3 %, respectivement), IgE totale (≥ 150 U·mL−1) et FeNO (≥ 25 ppb).
Au total, 511 patients sur 569 (90 %) disposaient d’un panel complet de biomarqueurs (S-EOS et/ou B-EOS, FeNO et IgE) : 421 avaient un asthme léger à modéré et 90 présentaient un asthme sévère. Les patients souffrant d’asthme léger à modéré étaient plus jeunes (41 ans contre 49 ans ; p < 0,001), avaient un indice de masse corporelle inférieur (25,9 kg·m−2 contre 28,0 kg·m−2 ; p = 0,002), moins de sensibilisation allergique (47 % versus 58 % ; p = 0,05), un VEMS prédictif supérieur (95 % versus 85 % ; p < 0,001) et une capacité vitale forcée prédictive supérieure (104 % versus 98 % ; p = 0,01) en comparaison des patients atteints d’asthme sévère, qui avaient des taux plus élevés d’éosinophiles sanguins (0,22 × 109·L−1 contre 0,17 × 109·L−1 ; p = 0,01) et d’éosinophiles dans les expectorations (3,0 % contre 1,5 % ; p = 0,01) ainsi que d’IgE totales (143 UI·mL−1 versus 57 UI·mL−1 ; p < 0,001).
La coexpression de tous les biomarqueurs T2 était une caractéristique particulière de l’asthme sévère (p < 0,001). Chez les patients atteints d’éosinophilie, une éosinophilie des expectorations sans éosinophilie sanguine était présente chez 45 % des patients souffrant d’asthme léger à modéré et 35 % des patients atteints d’asthme sévère.
En conclusion, les auteurs estiment que l’asthme sévère est plus souvent associé à l’activation de plusieurs voies T2, ce qui implique que les traitements ciblant l’asthme sévère devraient agir plus largement sur les voies inflammatoires T2. Une proportion significativement plus importante de patients atteints d’asthme sévère présentait une éosinophilie concomitante dans les expectorations et le sang, tandis qu’une absence d’éosinophilie était significativement plus fréquente chez les patients atteints d’asthme léger à modéré.
Près de 50 à 70 % des patients asthmatiques présentent une inflammation de type 2. De nos jours, l’asthme est de plus en plus considéré comme faisant partie d’un syndrome multimorbide avec une grande proportion de patients asthmatiques rapportant desymptômes de maladies inflammatoires de type 2 coexistantes (cT2) telles que l’eczéma/ la dermatite atopique, la rhinosinusite chronique avec polypose nasale, l’oesophagite à éosinophiles, la rhinite allergique ou les allergies alimentaires.
Cette étude a permis d’évaluer l’impact du poids des cT2 sur le devenir des patients asthmatiques et d’identifier des modèles de regroupement en cluster de cT2 dans la vraie vie. D’après la base de données OPCRD du Royaume-Uni, plus de 4,5 millions de dossiers ont été analysés pour sélectionner des données issues de patients avec au moins 1 diagnostic pour l’asthme à tout moment avant la date index (date de dernière consultation liée à l’asthme) et au moins 2 prescriptions liées à l’asthme au cours de l’année précédant la date index. Tous les patients asthmatiques ont été classés selon les niveaux de gravité GINA de 1 à 5 selon leurs traitements médicamenteux au cours de l’année précédant la date index.
Un total impressionnant de 245 893 patients asthmatiques a été inclus dans cette étude dont seulement 47 % avaient un asthme contrôlé.
Près de 100 000 patients ont été traités par les paliers GINA 4 (n = 95 526) et 5 (n = 3 381), donc avec une forte pression thérapeutique.
De plus, 32,6 % des patients ont consulté pour une rhinite allergique, 25,8 % pour un eczéma (y compris la dermatite atopique), 9,0 % pour une rhinosinusite chronique, 7,0 % pour une urticaire, 5,1 % pour une conjonctivite allergique, 3,1 % pour des polypes nasaux, 3,0 % pour Anaphylaxie et moins de 0,1 % pour une oesophagite à éosinophiles.
Comme attendu, le fardeau de l’exacerbation de l’asthme a progressé avec l’augmentation des étapes GINA, allant de 9 % (étape 1) à 29 % (étape 5) des patients présentant ≥ 1 exacerbation de l’asthme ; et de 2 % (étape 1) à 12 % (étape 5) chez des patients ayant subi ≥ 2 exacerbations d’asthme au cours des 12 mois précédant la date index. Les patients présentant une charge accrue de cT2 étaient significativement plus susceptibles de présenter des exacerbations de l’asthme et moins susceptibles de parvenir à contrôler celui-ci. Les patients avec un score de charge cT2 plus élevé étaient significativement plus susceptibles de présenter ≥ 2 exacerbations d’asthme (2 comorbidités : OR = 1,16 ; IC95 : 1,10-1,23 ; 3 comorbidités : OR = 1,35 ; IC95 : 1,24-1,47 ; ≥ 4 comorbidités : OR = 1,74 ;IC95 : 1,52-1,95) et significativement moins susceptibles d’obtenir un contrôle de l’asthme (2 comorbidités : OR = 0,86 ; IC95 : 0,83‑0,88 ; 3 comorbidités: OR = 0,77 ; IC95 : 0,74-0,88 ; ≥ 4 comorbidités : OR = 0,67 ; IC95 : 0,63-0,72) en comparaison des patients sans cT2.
Pour finir, ces évaluations ont démontré que les cT2 étaient regroupées en 3 clusters distincts (figure 2) : le 1er comprenait les allergies alimentaires et l’anaphylaxie, le 2e, la rhinosinusite chronique et les polypes nasaux, et le 3e, la rhinite allergique, l’eczéma, la conjonctivite allergique et l’urticaire.
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Figure 2. Regroupement des cT2 parmi les patients asthmatiques de l’étude.
Ces résultats de vraie vie montrent que la présence de comorbidités de type 2 complique la prise en charge de l’asthme quelle que soit la sévérité de la maladie. Les profils cT2 sont associés à un risque plus élevé d’exacerbations et à un contrôle de l’asthme plus faible. Il serait important de considérer dans la pratique les évaluations des comorbidités de type 2 chez les patients asthmatiques.
Références
- Asthme sévère : les biomarqueurs, reflet de la sévérité de la maladie
Flinkman E et al. Association between blood eosinophils and neutrophils with clinical features in adult-onset asthma. J Allergy Clin Immunol Pract 2023;11(3):811-21. - Pensons à l’éosinophilie concomitante dans les expectorations et le sang
Frossing L et al. Distribution of type 2 biomarkers and association withseverity, clinical characteristics and comorbidities in the BREATHE real-life asthma population. ERJ Open Res 2023;9(2):00483-2022. - Comorbidités de type 2 : le dessous de l’iceberg “asthmatique”
Price D et al. Association between a type 2 inflammatory disease burden score and outcomes among patients with asthma. J Asthma Allergy 2021;14:1173-83.
- C. Barnig déclare avoir des liens d’intérêts avec GSK, Sanofi-Regeneron, AstraZeneca, Chiesi, Novartis, ALK, Stallergenes et CSL Behring.
- A. Tiotiu déclare avoir des liens d’intérêts avec AstraZeneca, GSK et Sanofi.
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