Réservé aux professionnels de santé en France

Qu’est- ce que le cannabis médical ?

Le cannabis thérapeutique ou médical en France, fait référence à l'utilisation de la plante de cannabis, donc l'ensemble des principes actifs de la plante, tels que le cannabidiol (CBD) et le THC. Ce sont les 2 principes actifs qui ont été délivrés dans l'expérimentation française.

Le cannabis médical mis à disposition des médecins et des patients est un cannabis de qualité pharmaceutique, cultivé dans des conditions précises et avec des contrôles qualité tout au long de la culture.

Trois variétés de cannabis ont été cultivées : un cannabis médical avec un ratio équilibré entre le THC et le CBD, un autre avec un ratio THC dominant, et un autre avec ratio CBD dominant.

Les formes proposées dans l’expérimentation sont à base d’huile ou de fleurs séchées (qui sont inhalées grâce à un vaporisateur choisi par l’Agence National de sécurité du médicament, et fourni gratuitement aux patients).

« Au final, d’après le compte-rendu de l’expérimentation de l’ANSM du 23/11/2023 (voir sources), 83% étaient à base d’huile et seuls 17% à base de fleurs séchées2 ont été distribuées, car ces dernières sont plus compliquées à utiliser et à mesurer », détaille le Dr.Douek, nutritionniste et médecin du sport. Il est l’auteur du livre Le cannabis médical, une nouvelle chance. Atteint de sclérose en plaques depuis 2012, il a été inclus dans l’expérimentation du fait d’une spasticité très douloureuse et réfractaire aux traitements.

Cannabis thérapeutique en France : que faut-il savoir ?

La France a fait le choix de donner accès au cannabis médical en initiant ses travaux dès 2018 dans le cadre d’une expérimentation. Elle est encadrée par des professionnels de santé, sur prescription du cannabis médical par un médecin et avec une délivrance par le pharmacien.

"Le but de l'expérimentation n'est pas d'évaluer l'efficacité du cannabis médical mais de s'assurer de la faisabilité de l'expérimentation, aussi bien sur le plan des médecins, des pharmaciens, des patients et des industriels qui délivrent le cannabis", rappelle d'emblée Pascal Douek.

Les médecins et pharmaciens étaient volontaires pour participer à cette expérimentation et devaient obligatoirement bénéficier d’une formation. 3000 patients devaient être inclus.

« Les médecins prescripteurs dépendaient de centres de références pour les 5 indications retenues : douleurs neuropathiques, spasticité douloureuse de la sclérose en plaques, épilepsie sévère pharmaco-résistante, symptômes rebelles en oncologie et soins palliatifs », détaille le Dr Douek. « Pour toutes ces indications, il fallait que tous les traitements conventionnels aient été essayés et aient échoués, soit par inefficacité ou par intolérance. Le cannabis thérapeutique était délivré par les pharmacies hospitalières. »

La possibilité a ensuite été donnée aux médecins généralistes et aux pharmaciens d’officine volontaires de participer à l’expérimentation soit pour délivrer soit pour renouveler, et à condition d’être formés.

Où en est l’expérimentation en 2024 ?

« L’expérimentation n’a jamais atteint les 3 000 patients inclus (2 486 fin mars 2023), ce qui paraît peu », s’étonne le Dr. Douek. « Les services ont été assaillis de demande mais la lourdeur du suivi a été mal anticipée, à raison d’une prescription tous les mois, avec des consultations plus ou moins longues, et un registre de suivi chronophage à remplir. Conséquence : les médecins ont très vite arrêté d’inclure. »

Censée se terminer en mars 2024, l’expérimentation a été prolongée jusqu’au 31/12/2024 (via la Loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024).

« À partir d’avril 2024, la sécurité sociale devrait rembourser en partie ces produits, mais c’est toujours en attente de décret » reprend le Dr. Douek. « À partir de janvier 2025, le dispositif devrait être généralisé. Les centres de référence auront toujours la main sur la prescription ; la délivrance se fera en pharmacie hospitalière et aussi en ville chez les pharmaciens d’officine acceptant de délivrer. »

Qu’attend-on du cannabis thérapeutique ?

Quand l’ANSM fait le point sur le registre le 07/11/2022 (voir sources), elle stipule que 68% des patients sont satisfaits et observent un effet bénéfique sur la douleur et sur la qualité de vie.

D’après le compte-rendu de l’ANSM du 23/11/2023 (voir sources), « les résultats sont positifs : l’amélioration de l’état de santé des patients et des symptômes associés s’observe dès 3 mois de suivi. Ces résultats se maintiennent dans le temps, et ce jusqu’à 18 mois pour certaines indications (quand le volume de patients est suffisant). Les résultats obtenus sont positifs et confirment l’efficacité du cannabis médical pour les indications retenues. » « L’expérimentation met en lumière un contraste entre la pratique clinique et les essais cliniques contrôlés3», estime la Pr. Nadine Attal, cheffe de service du Centre d'évaluation et de traitement de la douleur d’Ambroise Paré, et directrice associée de l’unité Inserm U987 Physiopathologie et pharmacologie clinique de la douleur. « D’un côté, les patients sélectionnés pour l’expérimentation, et qui sont généralement très demandeurs, sont dans l’ensemble, très satisfaits. J’ai donc une opinion très positive de cette expérimentation car elle offre une alternative thérapeutique intéressante à des patients qui présentent des douleurs chroniques neuropathiques réfractaires aux traitements plus conventionnels. En outre, grâce à cette expérimentation, la France s’aligne enfin sur d’autres pays comme le Canada, les pays scandinaves ou Israël qui ont depuis longtemps expérimenté le cannabis médical et possèdent de très larges registres de patients sous cannabis médical. Cependant, de façon paradoxale, les études contrôlées3 contre placebo du cannabis médical en matière de douleur chronique neuropathique, sont souvent négatives, sauf en ce qui concerne le cannabis inhalé, avec un effet placebo souvent très élevé. On peut évidemment se demander si l’expérimentation donne un tableau plus proche de la « vraie vie » que les études cliniques contrôlées concernant le cannabis ou si ce sont les études qui priment ».

Quels sont les effets secondaires et contre-indications ?

Dans le compte rendu du 7/12/2023, l’ANSM rapporte que « 1 465 signalements de PV ont été notifiés rapportant un total de 3 956 effets indésirables (+87), avec plusieurs effets indésirables possibles par signalement ». 80 cas graves ont été constatés depuis le début de l’expérimentation, neurologiques et psychiatriques notamment.

D’après une umbrella review4, publiée en 2022 dans le British medical Journal, les médicaments à base de cannabis utilisés dans le cadre de la SEP entraînaient des effets secondaires comme des vertiges, la bouche sèche, une somnolence, des nausées (grade modéré).

D'après le Vidal, on peut observer avec le cannabidiol, des effets hépatiques, avec une augmentation des ASAT, ALAT, gamma GT. De la fatigue, une diminution de l’appétit avec une perte de poids, une agressivité ou une agitation peuvent être constatées. (liste non exhaustive) « Mais aux doses de CBD données dans l’expérimentation, il n’y a quasiment pas d’effets indésirables car elles sont faibles », constate le Dr Douek. « De plus, la titration est un vrai sujet puisqu’un compromis entre la tolérance et l’efficacité doit être trouvé pour chaque patient, et qu’il peut évoluer dans le temps. »

Les contre-indications spécifiées par l’ANSM comportent les insuffisances rénale et hépatique sévères (ou atteinte biologique prédictive), l’atteinte psychotique, les maladies cardio ou cérébro-vasculaires sévères (ou un antécédent).

« Le paradoxe entre les études cliniques et les résultats en vie réelle explique le fait que le sujet du cannabis médical puisse générer des opinions très tranchées, soit pour, soit contre », conclut la Pr. Attal. « En fait, comme souvent, la réalité est plus nuancée. Le cannabis est probablement réellement efficace sur un sous-groupe de patients, même au sein d’une même indication (par exemple la douleur neuropathique). Le cannabis médical semble particulièrement efficace sur les douleurs paroxystiques (décharges électriques) que présentent certains patients douloureux, mais pas tous. En outre, tous les composants du cannabis n’ont pas la même efficacité, et selon le ratio par exemple entre THC et CBD, les résultats en termes d’efficacité peuvent être très différents ».

Sources bibliographiques

Sources :

1. ANSM/ dossier sur le cannabis médical : Professionnels de santé, formation, prescription, dispensation https://ansm.sante.fr/dossiers-thematiques/cannabis-a-usage-medical/professionnels-de-sante-formation-prescription-dispensation
2. ANSM : compte-rendu de suivi de l’expérimentation 23/11/2023 https://ansm.sante.fr/uploads/2023/12/07/20231123-cr-cst-suivi-experimentation-cannabis-medical-2.pdf

 

Études :

3. Fisher, Emmaa,b,*; Moore, R. Andrewc; Fogarty, Alexandra E.d; Finn, David P.e; Finnerup, Nanna B.f,g; Gilron, Ianh,i,j; Haroutounian, Simonk; Krane, Elliotl,m; Rice, Andrew S.C.n; Rowbotham, Michaelo,p; Wallace, Markq; Eccleston, Christophera,b,r. Cannabinoids, cannabis, and cannabis-based medicine for pain management: a systematic review of randomised controlled trials. PAIN 162():p S45-S66, July 2021. | DOI: 10.1097/j.pain.0000000000001929 https://journals.lww.com/pain/fulltext/2021/07001/cannabinoids,_cannabis,_and_cannabis_based.5.aspx
4. Solmi M, De Toffol M, Kim J Y, Choi M J, Stubbs B , Thompson T et al. Balancing risks and benefits of cannabis use: umbrella review of meta-analyses of randomised controlled trials and observational studies BMJ 2023; 382 :e072348 doi:10.1136/bmj-2022-072348 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37648266/

240404112674CA – 04/2024