- Article
- Source : Campus Sanofi
- 6 nov. 2023
MRD* sur écoute : un nouveau podcast dédié à la MRD
La MRD en bref
Le myélome multiple (MM) représente 1 % à 1,8 % de tous les cancers et constitue la deuxième hémopathie maligne avec une incidence estimée en Europe de 4,5 à 6,0 sur 100 000 par an.(1)
L’évaluation de la maladie résiduelle minimale (MRD) représente une réelle avancée pour estimer la réponse au traitement chez les patients atteints de MM.(1) En effet, dans cette pathologie où la majorité des patients rechute malgré des taux exceptionnels de réponse complète, il est nécessaire d’utiliser des techniques telles que la MRD qui permettent de mesurer la réponse au traitement de manière plus sensible.(2,3) La mesure de la MRD peut se faire par cytométrie en flux (CMF) ou séquençage haut débit (Next-Generation Sequencing, NGS) et être confrontée à un PET-scan.(1,3) Celui-ci est en mesure de détecter des zones hypermétaboliques chez environ 15 à 20 % des patients présentant une MRD négative au niveau de la moelle osseuse.(1)
La MRD négative est définie par l’absence de détection de plasmocytes tumoraux dans la moelle osseuse, au seuil de sensibilité défini par la technique (par exemple 10-6 pour le NGS, c’est-à-dire moins d’un plasmocyte parmi 1 million de cellules médullaires analysées).(1)
Chez les patients atteints d’un MM nouvellement diagnostiqué ou d’un MM en rechute ou réfractaire, la MRD est corrélée à une survie sans progression et une survie globale plus longues.(1) Chez les patients atteints de myélome multiple en rechute ou réfractaire, des études ont révélé des taux de MRD négative compris entre 5 et 30 % en cas de traitement par anti-CD38 combinés à des immunomodulateurs ou des inhibiteurs du protéasome.(4)
Qui est Jill Corre ?
Jill Corre est biologiste médicale à l’Unité́ de génomique du myélome au CHU de Toulouse. Elle est également membre d’une équipe de recherche dédiée à̀ l’étude de la génomique et l’immunologie du myélome au Centre de Recherches en Cancérologie de Toulouse (CRCT).
Jill Corre dans la série « La MRD sur écoute »
Biologiste mé́dicale à̀ l’Unité́ de Gé́nomique du Myé́lome au CHU de Toulouse
Épisode 1 : La MRD à la loupe
Cet épisode permet de mieux comprendre ce qu’est la MRD et de faire le point sur les biomarqueurs impliqués. Le Pr Corre explique comment la MRD permet d’améliorer l’évaluation de la réponse au traitement chez les patients atteints de MM. Elle précise également l’impact pronostique de la MRD sur la survie sans progression et sur la survie globale des patients. Enfin, elle revient sur les situations concrètes où la mesure de la MRD est pertinente et l’intérêt de l’associer à la génétique plasmocytaire.
Jill Corre dans l’épisode 1 de « La MRD sur écoute »
Biologiste mé́dicale à̀ l’Unité́ de Gé́nomique du Myé́lome au CHU de Toulouse
D’abord, de quoi parle-t-on ?
De l’évaluation de la maladie résiduelle minimale (MRD : Minimal Residual Disease en anglais) c’est-à-dire la détection et la quantification du nombre de cellules tumorales résiduelles dans un échantillon de tissu (la moelle, le sang) pendant et après une séquence thérapeutique, l’objectif étant d’évaluer la réponse au traitement du patient. Dans le cas du myélome multiple, on parle essentiellement de moelle osseuse, mais des techniques se développent progressivement dans le sang.
En fait, une des spécificités du myélome par rapport aux autres hémopathies malignes, c’est que l’on a à notre disposition deux types de biomarqueurs pour évaluer cette réponse au traitement. Un biomarqueur indirect qui est la protéine monoclonale produite par la cellule tumorale et un biomarqueur direct qui est la cellule tumorale elle-même. Chacun de ces biomarqueurs présente des avantages et des inconvénients : pour faire court, le marqueur indirect n’est, par définition, qu’un marqueur de substitution, un surrogate, mais présente l’avantage indéniable de pouvoir être mesuré par une simple prise de sang. Le nombre de cellules tumorales est un marqueur direct, en temps réel de la maladie, mais nécessite un prélèvement de moelle osseuse, qui est comme chacun sait un acte invasif, ce d’autant plus s’il doit être réitéré.
Le développement de l’évaluation de la MRD dans la moelle osseuse a permis d’identifier au sein de patients en réponse complète ceux qui conservent une MRD positive de ceux qui n’ont plus de MRD détectable, avec un impact clinique sur la survie sans progression et la survie globale. En d’autres termes la MRD serait une façon plus sensible d’évaluer la réponse au traitement.
Il est maintenant établi que la MRD a un poids pronostique chez tous les sous-groupes de patients porteurs d’un MM : sujets jeunes, sujets âgés, au diagnostic, à la rechute, cytogénétique standard ou de haut risque : c’est toujours mieux d’avoir une MRD indétectable, à la fois en termes de survie sans progression et de survie globale, et plus la méthode est sensible, plus le poids pronostique est conséquent. Avoir une MRD indétectable à 10-6 vous confère un meilleur pronostic qu’avoir une MRD inférieur à 10-5 mais positif à 10-6. De nombreux essais cliniques l’ont montré, mais également des études de vie réelle, même si les cohortes sont beaucoup plus réduites. On peut retenir la méta analyse de Nikhil Munshi publiée en 2020 sur plus de 8000 patients issus de 93 essais cliniques, qui montre que les patients qui ont une MRD indétectable à 10-6 ont un bénéfice de PFS avec un HR à 0,22.
Attention ! La profondeur de la réponse c’est important, mais la durée de la réponse l’est aussi. Si la MRD est indétectable de façon maintenue dans le temps (2 tests négatifs à 1 an d’intervalle, « sustained negative MRD en anglais), l’impact pronostique sera d’autant plus fort. Un patient qui perdrait son statut MRD négative rejoint d’un point de vue pronostique le groupe des patients MRD positive. D’après les recommandations de l’IMWG qui datent déjà de 2016, la MRD doit être évaluée chez les patients qui ont atteint la RC, or, on sait maintenant que cette manière de voir les choses n’est pas optimale puisque de nombreux patients, en particulier dans les phases précoces de traitement, présente une MRD indétectable (y compris à 10-6), alors qu’ils n’ont pas atteint la réponse complète. Cette discordance apparente est principalement liée à la persistance de la protéine monoclonale, en raison d’une demi-vie relativement longue, 3-4 semaines dans le cas des IgG : on a de fait un asynchronisme entre la disparition des plasmocytes tumoraux induite par le traitement et la normalisation de l’immunofixation qui définit la réponse complète. C’est la raison pour laquelle la MRD doit être faire dans les essais cliniques chez les patients au moins en très bonne réponse partielle, et non pas en uniquement en réponse complète. Si ce n’est pas le cas, on sous-estime complètement la proportion des patients en MRD négative.
Alors quand doit-on faire la MRD ?
Eh bien essentiellement dans les essais cliniques, il n’y a pas aujourd’hui de recommandations sur l’utilisation de la MRD en pratique clinique de routine dans le myélome multiple, (quand on compare à d’autres hémopathies malignes telles que la leucémie myéloïde chronique) même si dans la réalité, certains cliniciens y voient un réel intérêt pour le suivi de leur patient et la prescrivent.
À quel moment précisément ? Ça dépend des stratégies thérapeutiques et des essais. Chez le sujet éligible à l’intensification thérapeutique, une MRD peut être utile après chaque phase du traitement : après l’induction, après la greffe, après la consolidation, puis tous les 12 mois pendant et après la maintenance. Chez un sujet non éligible à un traitement intensif, qui sera vraisemblablement sous traitement continu jusqu’à progression, une MRD peut être réalisée tous les 12 mois.
Le poids pronostique est si fort que des essais cliniques avec adaptation thérapeutique en fonction du statut MRD se sont développés. C’est le cas d’un essai français qui stratifie les patients en fonction du statut de la MRD post-induction, mais c’est loin d’être le seul essai de ce type. On attend avec impatience les résultats de tous ces essais afin de savoir si cette adaptation thérapeutique au statut de la MRD apporte un bénéfice clinique et si oui, dans quelles conditions.
Et puis dans tous ces essais, l’objectif primaire de l’essai n’est pas la PFS mais la MRD : c’est donc que l’on considère que la MRD est un marqueur de substitution suffisamment puissant. Évidemment, il faut comprendre que puisque la survie des patients s’est considérablement améliorée ces dernières années, il devient difficile de conduire des essais cliniques avec comme objectif principal un bénéfice de PFS, d’où la nécessité d’avoir des marqueurs de surrogacy comme on dit en anglais. Concernant les essais d’enregistrement des nouvelles molécules, les autorités de santé (FDA, EMA) ne reconnaissent pas encore la MRD comme marqueur de substitution, puisque les preuves n’ont jusqu’ici pas été assez convaincantes pour les méthodologistes. Néanmoins, une analyse de toutes les données les plus récentes est en cours, et pourrait aboutir à un accord des autorités pour utiliser la MRD dans les essais d‘enregistrement, peut-être qu’il faudra une MRD maintenue négative. La MRD représente ainsi une opportunité unique de potentiellement accélérer la mise à disposition de nouveaux médicaments dans le MM.
Et la cytogénétique dans tout ça ?
On parle du poids pronostique de la MRD mais il ne faut pas oublier qu’au moment du diagnostic c’est bien évidemment une information que nous n’avons pas, et le moyen le plus efficace aujourd’hui pour stratifier un patient au diagnostic c’est d’étudier les anomalies génétiques qui sont présentes dans ses plasmocytes. Par exemple, on sait que les patients qui sont porteurs d’une délétion 17p dans la majorité de leurs plasmocytes au moment du diagnostic ont un pronostic de haut risque. Il apparaît que chez certains patients dits de haut risque, l’obtention d’une MRD indétectable permettrait d’améliorer considérablement leur devenir clinique, ce doit donc être l’objectif de traitement des patients de haut risque. Attention néanmoins aux raccourcis trompeurs. On sait par exemple que certains patients porteurs d’une translocation 4 ;14 vont atteindre rapidement une MRD indétectable mais seront malheureusement incapables de maintenir ce statut dans le temps. À l’inverse, nos meilleurs scores pronostiques ratent aujourd’hui 20-30 % des patients de haut risque. Il arrive donc que des patients considérés comme étant de bon pronostic n’atteignent jamais une MRD négative : c’est que ces patients possèdent probablement des facteurs de haut risque que nous ne connaissons pas aujourd’hui. En résumé, on a aujourd’hui deux outils extrêmement utiles que sont la génétique plasmocytaire et la MRD, qu’il faut confronter pour appréhender au mieux le devenir clinique des patients et pour progresser dans la connaissance de cette maladie
D’abord, de quoi parle-t-on ?
De l’évaluation de la maladie résiduelle minimale (MRD : Minimal Residual Disease en anglais) c’est-à-dire la détection et la quantification du nombre de cellules tumorales résiduelles dans un échantillon de tissu (la moelle, le sang) pendant et après une séquence thérapeutique, l’objectif étant d’évaluer la réponse au traitement du patient. Dans le cas du myélome multiple, on parle essentiellement de moelle osseuse, mais des techniques se développent progressivement dans le sang.
En fait, une des spécificités du myélome par rapport aux autres hémopathies malignes, c’est que l’on a à notre disposition deux types de biomarqueurs pour évaluer cette réponse au traitement. Un biomarqueur indirect qui est la protéine monoclonale produite par la cellule tumorale et un biomarqueur direct qui est la cellule tumorale elle-même. Chacun de ces biomarqueurs présente des avantages et des inconvénients : pour faire court, le marqueur indirect n’est, par définition, qu’un marqueur de substitution, un surrogate, mais présente l’avantage indéniable de pouvoir être mesuré par une simple prise de sang. Le nombre de cellules tumorales est un marqueur direct, en temps réel de la maladie, mais nécessite un prélèvement de moelle osseuse, qui est comme chacun sait un acte invasif, ce d’autant plus s’il doit être réitéré.
Le développement de l’évaluation de la MRD dans la moelle osseuse a permis d’identifier au sein de patients en réponse complète ceux qui conservent une MRD positive de ceux qui n’ont plus de MRD détectable, avec un impact clinique sur la survie sans progression et la survie globale. En d’autres termes la MRD serait une façon plus sensible d’évaluer la réponse au traitement.
Il est maintenant établi que la MRD a un poids pronostique chez tous les sous-groupes de patients porteurs d’un MM : sujets jeunes, sujets âgés, au diagnostic, à la rechute, cytogénétique standard ou de haut risque : c’est toujours mieux d’avoir une MRD indétectable, à la fois en termes de survie sans progression et de survie globale, et plus la méthode est sensible, plus le poids pronostique est conséquent. Avoir une MRD indétectable à 10-6 vous confère un meilleur pronostic qu’avoir une MRD inférieur à 10-5 mais positif à 10-6. De nombreux essais cliniques l’ont montré, mais également des études de vie réelle, même si les cohortes sont beaucoup plus réduites. On peut retenir la méta analyse de Nikhil Munshi publiée en 2020 sur plus de 8000 patients issus de 93 essais cliniques, qui montre que les patients qui ont une MRD indétectable à 10-6 ont un bénéfice de PFS avec un HR à 0,22.
Attention ! La profondeur de la réponse c’est important, mais la durée de la réponse l’est aussi. Si la MRD est indétectable de façon maintenue dans le temps (2 tests négatifs à 1 an d’intervalle, « sustained negative MRD en anglais), l’impact pronostique sera d’autant plus fort. Un patient qui perdrait son statut MRD négative rejoint d’un point de vue pronostique le groupe des patients MRD positive. D’après les recommandations de l’IMWG qui datent déjà de 2016, la MRD doit être évaluée chez les patients qui ont atteint la RC, or, on sait maintenant que cette manière de voir les choses n’est pas optimale puisque de nombreux patients, en particulier dans les phases précoces de traitement, présente une MRD indétectable (y compris à 10-6), alors qu’ils n’ont pas atteint la réponse complète. Cette discordance apparente est principalement liée à la persistance de la protéine monoclonale, en raison d’une demi-vie relativement longue, 3-4 semaines dans le cas des IgG : on a de fait un asynchronisme entre la disparition des plasmocytes tumoraux induite par le traitement et la normalisation de l’immunofixation qui définit la réponse complète. C’est la raison pour laquelle la MRD doit être faire dans les essais cliniques chez les patients au moins en très bonne réponse partielle, et non pas en uniquement en réponse complète. Si ce n’est pas le cas, on sous-estime complètement la proportion des patients en MRD négative.
Alors quand doit-on faire la MRD ?
Eh bien essentiellement dans les essais cliniques, il n’y a pas aujourd’hui de recommandations sur l’utilisation de la MRD en pratique clinique de routine dans le myélome multiple, (quand on compare à d’autres hémopathies malignes telles que la leucémie myéloïde chronique) même si dans la réalité, certains cliniciens y voient un réel intérêt pour le suivi de leur patient et la prescrivent.
À quel moment précisément ? Ça dépend des stratégies thérapeutiques et des essais. Chez le sujet éligible à l’intensification thérapeutique, une MRD peut être utile après chaque phase du traitement : après l’induction, après la greffe, après la consolidation, puis tous les 12 mois pendant et après la maintenance. Chez un sujet non éligible à un traitement intensif, qui sera vraisemblablement sous traitement continu jusqu’à progression, une MRD peut être réalisée tous les 12 mois.
Le poids pronostique est si fort que des essais cliniques avec adaptation thérapeutique en fonction du statut MRD se sont développés. C’est le cas d’un essai français qui stratifie les patients en fonction du statut de la MRD post-induction, mais c’est loin d’être le seul essai de ce type. On attend avec impatience les résultats de tous ces essais afin de savoir si cette adaptation thérapeutique au statut de la MRD apporte un bénéfice clinique et si oui, dans quelles conditions.
Et puis dans tous ces essais, l’objectif primaire de l’essai n’est pas la PFS mais la MRD : c’est donc que l’on considère que la MRD est un marqueur de substitution suffisamment puissant. Évidemment, il faut comprendre que puisque la survie des patients s’est considérablement améliorée ces dernières années, il devient difficile de conduire des essais cliniques avec comme objectif principal un bénéfice de PFS, d’où la nécessité d’avoir des marqueurs de surrogacy comme on dit en anglais. Concernant les essais d’enregistrement des nouvelles molécules, les autorités de santé (FDA, EMA) ne reconnaissent pas encore la MRD comme marqueur de substitution, puisque les preuves n’ont jusqu’ici pas été assez convaincantes pour les méthodologistes. Néanmoins, une analyse de toutes les données les plus récentes est en cours, et pourrait aboutir à un accord des autorités pour utiliser la MRD dans les essais d‘enregistrement, peut-être qu’il faudra une MRD maintenue négative. La MRD représente ainsi une opportunité unique de potentiellement accélérer la mise à disposition de nouveaux médicaments dans le MM.
Et la cytogénétique dans tout ça ?
On parle du poids pronostique de la MRD mais il ne faut pas oublier qu’au moment du diagnostic c’est bien évidemment une information que nous n’avons pas, et le moyen le plus efficace aujourd’hui pour stratifier un patient au diagnostic c’est d’étudier les anomalies génétiques qui sont présentes dans ses plasmocytes. Par exemple, on sait que les patients qui sont porteurs d’une délétion 17p dans la majorité de leurs plasmocytes au moment du diagnostic ont un pronostic de haut risque. Il apparaît que chez certains patients dits de haut risque, l’obtention d’une MRD indétectable permettrait d’améliorer considérablement leur devenir clinique, ce doit donc être l’objectif de traitement des patients de haut risque. Attention néanmoins aux raccourcis trompeurs. On sait par exemple que certains patients porteurs d’une translocation 4 ;14 vont atteindre rapidement une MRD indétectable mais seront malheureusement incapables de maintenir ce statut dans le temps. À l’inverse, nos meilleurs scores pronostiques ratent aujourd’hui 20-30 % des patients de haut risque. Il arrive donc que des patients considérés comme étant de bon pronostic n’atteignent jamais une MRD négative : c’est que ces patients possèdent probablement des facteurs de haut risque que nous ne connaissons pas aujourd’hui. En résumé, on a aujourd’hui deux outils extrêmement utiles que sont la génétique plasmocytaire et la MRD, qu’il faut confronter pour appréhender au mieux le devenir clinique des patients et pour progresser dans la connaissance de cette maladie
Épisode 2 : La détection du signal
Dans cet épisode le Pr Corre se concentre sur la technique de détection de la MRD. Elle explique les techniques d’évaluation du signal, le lien entre échantillon médullaire et maladie, les techniques d’imagerie pour évaluer la réponse au traitement dans le myélome.
Jill Corre dans l’épisode 2 de « La MRD sur écoute »
Biologiste mé́dicale à̀ l’Unité́ de Gé́nomique du Myé́lome au CHU de Toulouse
La détection du signal (focus technique) Bonjour à tous, je suis le Professeur Jill Corre. Je suis biologiste médical à l’Unité de Génomique du Myélome au CHU de Toulouse, et j’appartiens à une équipe de recherche dédiée à l’étude de la génomique et l’immunologie du myélome au Centre de recherches en cancérologie de Toulouse.
Bienvenue dans ce deuxième épisode du podcast « MRD sur écoute », le podcast dédié à la maladie résiduelle minimale.
Aujourd’hui, nous allons parler de la détection du signal de la MRD dans le myélome.
Les deux techniques actuellement recommandée par l’IMWG pour évaluer la maladie résiduelle dans le myélome sont le NGS pour Next Generation Sequencing, c’est-à-dire une méthode de séquençage d’ADN à haut débit, et le NGF pour Next Generation Flow, c’est-à-dire une méthode de cytométrie.
Quel est le principe de ces méthodes, qui ont toutes deux pour objectif de chercher 1 aiguille dans une botte de foin ?
En ce qui concerne le NGS d’abord : au diagnostic, on tri les plasmocytes, on extrait d’ADN, on amplifie et on séquence tous les réarrangements VDJ au niveau des gènes des immunoglobulines. Cette étape dite de calibration, ça permet d’identifier le réarrangement VDJ spécifique du myélome d’un malade donné. On sait que cette séquence que l’on appelle le clonotype est unique et stable tout au long de la maladie. Au moment d’évaluer la MRD, c’est ce petit code barre que l’on va aller chercher spécifiquement à identifier et à quantifier avec une grande sensibilité puisqu’on est capable de détecter 1 cellule tumorale pour 1 million de cellules nucléées de la moelle osseuse, c’est-à-dire une sensibilité de 10-6. Vous avez compris que cette étape de calibration est indispensable mais il est important de se souvenir qu’elle peut se faire à posteriori du diagnostic, la seule condition c’est d’avoir conservé du matériel tumoral.
Le NGF c’est une méthode de cytométrie en flux optimisée et standardisée, par l’utilisation de procédures analytiques spécifiques, d’un panel consensus d’anticorps, et d’une stratégie d’analyse standardisée. Pour le NGF, il s’agit en fait d’identifier et de quantifier grâce à leur immunophénotypage les plasmocytes de la moelle osseuse par cytométrie en flux, et de déterminer la proportion de plasmocytes tumoraux résiduels présents, grâce à un panel de 10 anticorps qui permet de les discriminer. Ce panel consensus du groupe Euro-Flow doit inclure les chaînes Kappa et Lamba intracytoplasmiques pour prouver de façon formelle que les plasmocytes détectés sont bien clonaux. Alors, on travaille ici avec des cellules fraiches, ce qui signifie que l’échantillon doit être analysé dans les 24-48h, 48h maximum après le prélèvement, ce qui n’est pas le cas du NGS puisqu’on travaille sur de l’ADN, qui peut être congelé et analysé quand on le souhaite.
En théorie, on peut parfaitement atteindre une sensibilité équivalente au NGS par NGF, c’est-à-dire 10-6 : la condition c’est d’analyser un nombre suffisant de cellules de la moelle osseuse, c’est-à-dire 20 millions et c’est là que le bât blesse, puisque d’un point de vue logistique, c’est très lourd de monopoliser un cytomètre dans un laboratoire pendant le temps nécessaire pour passer ces 20 millions de cellules. Alors certains laboratoires dans le monde y parviennent, en France, la plupart du temps on analyse 10 fois moins de cellules, et on ne va donc pas au-delà plus que 10-5 en termes de sensibilité c’est-à-dire 1 cellule sur 100 000 (ce qui est déjà une aiguille dans une botte de foin). Alors en contrepartie, le résultat sera disponible plus rapidement avec la cytométrie de flux (1 à 2 jours versus une dizaine de jours pour le NGS).
Dans les 2 cas, NGF et NGS, on préconise de ne pas prélever plus de 2 mL de moelle osseuse dans le tube EDTA pour éviter l’hémodilution qui rendrait l’analyse nettement moins contributive. D’ailleurs cette hémodilution elle devrait toujours être prise en compte. Pour le NGF, les marqueurs utilisés pour détecter les plasmocytes tumoraux ils peuvent aussi servir d’indicateur d’hémodilution : par exemple le CD117 c’est un marqueur de plasmocyte tumoral, mais aussi de mastocytes, qui est une cellule qu’on trouve que dans la moelle osseuse et le fait de ne pas en voir du tout, ça reflète que le prélèvement est complètement hémodilué. Mais ce type d’évaluation c’est pas fait systématiquement dans tous les laboratoires. Pour le NGS, il va falloir travailler un peu plus puisqu’intrinsèquement la technique ne permet pas d’évaluer le degré d’hémodilution du prélèvement. Ce que l’on fait dans notre laboratoire c’est qu’on réalise un étalement de chaque prélèvement de moelle pour lequel une demande de MRD a été réalisée, on colore et on fait une évaluation cytomorphologique de la quantité de précurseurs médullaires (comme on le ferait pour un myélogramme classique). Si un prélèvement est largement hémodilué, un résultat négatif ne devrait pas être rendu, et un résultat positif devrait être rendu sous réserve d’une quantité de maladie résiduelle potentiellement sous-estimée.
Alors au-delà de ce problème d’hémodilution qui n’est pas si rare, l’échantillon médullaire n’est pas toujours représentatif de la maladie dans le cas du myélome, compte-tenu de l’hétérogénéité de répartition des plasmocytes, avec la présence de ces petits ilots plasmocytaires, qui font qu’à l’extrême on pourrait presque avoir une MRD négative en sternal mais positive en crête iliaque.
Autre cas de figure où l’échantillon de moelle osseuse ne sera pas représentatif : c’est quand il y a une maladie extra-médullaire. C’est assez rare au diagnostic, mais pas tant que ça à la rechute. Et c’est probablement dans ce cas de figure que la complémentarité entre biologie et imagerie paraît évidente.
Alors quelle technique d’imagerie pour évaluer la réponse au traitement dans le myélome ? La TEP (c’est-à-dire la tomographie par émission de positons) couplée au scanner est la méthode actuellement reconnue comme ayant le meilleur ratio sensibilité/spécificité, et c’est celle qui est recommandée d’ailleurs par l’IMWG. Un effort de standardisation a été fait avec la démonstration de l’applicabilité des critères de Deauville au myélome. Et donc la disparition des lésions hypermétaboliques au TEPscan permettrait de « verrouiller » le statut véritablement MRD négatif d’un patient. Par exemple, une étude avait montré que les patients qui obtiennent à la fois une MRD biologique négative et une TEPscan normalisé après consolidation ont une survie sans progression et une survie globale plus longues que ceux qui ont l’un des deux examens positifs. Alors néanmoins ici, les données de MRD disponibles dans cette étude ne l’étaient à la sensibilité de 10-5, et il faut garder à l’esprit l’apport évident de ces techniques d’imagerie dans le cas spécifique de la maladie extramédullaire, mais que pour l'infiltration de la moelle osseuse, la MRD biologique est plus sensible, en particulier si une sensibilité de 10-6 est atteinte. Pour terminer sur l’imagerie, d’autres traceur que le FDG sont à l’étude, comme la choline ou le zirconium. En particulier pour les patients qui ont une expression faible de l’hexokinase et donc une TEP-scan non contributive. Et puis l’IRM de diffusion corps entier est une alternative possible à la TEPscan, et les sensibilités/spécificités de ces 2 techniques sont actuellement comparées.
Pour ce qui est du développement actuel des techniques d’évaluation de la MRD sur sang : et bien, il y a un avantage évident, c’est d’avoir un examen qui est peu invasif qu’on va pouvoir réitérer, afin d’avoir une évaluation dynamique au cours du temps. Un avantage théorique c’est de s’affranchir des écueils de représentativité du prélèvement médullaire dont on vient de parler. Mais en pratique on est encore loin d’atteindre la sensibilité de la moelle osseuse, avec beaucoup de tests sanguins qui sont négatifs alors que la moelle est positive. Alors il existe deux approches dans le sang et à chaque fois deux écoles : la première approche c’est d’utiliser un marqueur direct c’est-à-dire la cellule tumorale ellemême et on peut utiliser soit l’ADN tumoral circulant, soit les cellules tumorales circulantes. Je dirais que même si beaucoup de progrès ont été faits ces dernières années, ces méthodes elles restent encore assez compliquées à mettre en place en routine. La deuxième méthode c’est d’utiliser le marqueur indirect qu’on connait bien c’est-à-dire la protéine monoclonale, mais cette fois-ci avec une méthode ultrasensible qu’est la spectrométrie de masse. Là aussi il y a deux écoles : une approche dite clonotypique qui est assez lourde pour le moment mais très sensible, et une approche dite protéine entière ou MALDI-TOF, plus facile à manier mais peut-être un peu moins sensible. Donc ce sont des approches que l’on doit continuer à apprendre à utiliser, très prometteuses, plutôt pour les phases tardives du traitement et de suivi. Le gold standard reste aujourd’hui la moelle osseuse, en particulier dans les phases initiales du traitement.
Merci à tous pour votre écoute et on se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode dédié à l’interprétation de la maladie résiduelle. Vous pouvez retrouver cet épisode, le précédent et le prochain sur le site Sanofi Campus.
La détection du signal (focus technique) Bonjour à tous, je suis le Professeur Jill Corre. Je suis biologiste médical à l’Unité de Génomique du Myélome au CHU de Toulouse, et j’appartiens à une équipe de recherche dédiée à l’étude de la génomique et l’immunologie du myélome au Centre de recherches en cancérologie de Toulouse.
Bienvenue dans ce deuxième épisode du podcast « MRD sur écoute », le podcast dédié à la maladie résiduelle minimale.
Aujourd’hui, nous allons parler de la détection du signal de la MRD dans le myélome.
Les deux techniques actuellement recommandée par l’IMWG pour évaluer la maladie résiduelle dans le myélome sont le NGS pour Next Generation Sequencing, c’est-à-dire une méthode de séquençage d’ADN à haut débit, et le NGF pour Next Generation Flow, c’est-à-dire une méthode de cytométrie.
Quel est le principe de ces méthodes, qui ont toutes deux pour objectif de chercher 1 aiguille dans une botte de foin ?
En ce qui concerne le NGS d’abord : au diagnostic, on tri les plasmocytes, on extrait d’ADN, on amplifie et on séquence tous les réarrangements VDJ au niveau des gènes des immunoglobulines. Cette étape dite de calibration, ça permet d’identifier le réarrangement VDJ spécifique du myélome d’un malade donné. On sait que cette séquence que l’on appelle le clonotype est unique et stable tout au long de la maladie. Au moment d’évaluer la MRD, c’est ce petit code barre que l’on va aller chercher spécifiquement à identifier et à quantifier avec une grande sensibilité puisqu’on est capable de détecter 1 cellule tumorale pour 1 million de cellules nucléées de la moelle osseuse, c’est-à-dire une sensibilité de 10-6. Vous avez compris que cette étape de calibration est indispensable mais il est important de se souvenir qu’elle peut se faire à posteriori du diagnostic, la seule condition c’est d’avoir conservé du matériel tumoral.
Le NGF c’est une méthode de cytométrie en flux optimisée et standardisée, par l’utilisation de procédures analytiques spécifiques, d’un panel consensus d’anticorps, et d’une stratégie d’analyse standardisée. Pour le NGF, il s’agit en fait d’identifier et de quantifier grâce à leur immunophénotypage les plasmocytes de la moelle osseuse par cytométrie en flux, et de déterminer la proportion de plasmocytes tumoraux résiduels présents, grâce à un panel de 10 anticorps qui permet de les discriminer. Ce panel consensus du groupe Euro-Flow doit inclure les chaînes Kappa et Lamba intracytoplasmiques pour prouver de façon formelle que les plasmocytes détectés sont bien clonaux. Alors, on travaille ici avec des cellules fraiches, ce qui signifie que l’échantillon doit être analysé dans les 24-48h, 48h maximum après le prélèvement, ce qui n’est pas le cas du NGS puisqu’on travaille sur de l’ADN, qui peut être congelé et analysé quand on le souhaite.
En théorie, on peut parfaitement atteindre une sensibilité équivalente au NGS par NGF, c’est-à-dire 10-6 : la condition c’est d’analyser un nombre suffisant de cellules de la moelle osseuse, c’est-à-dire 20 millions et c’est là que le bât blesse, puisque d’un point de vue logistique, c’est très lourd de monopoliser un cytomètre dans un laboratoire pendant le temps nécessaire pour passer ces 20 millions de cellules. Alors certains laboratoires dans le monde y parviennent, en France, la plupart du temps on analyse 10 fois moins de cellules, et on ne va donc pas au-delà plus que 10-5 en termes de sensibilité c’est-à-dire 1 cellule sur 100 000 (ce qui est déjà une aiguille dans une botte de foin). Alors en contrepartie, le résultat sera disponible plus rapidement avec la cytométrie de flux (1 à 2 jours versus une dizaine de jours pour le NGS).
Dans les 2 cas, NGF et NGS, on préconise de ne pas prélever plus de 2 mL de moelle osseuse dans le tube EDTA pour éviter l’hémodilution qui rendrait l’analyse nettement moins contributive. D’ailleurs cette hémodilution elle devrait toujours être prise en compte. Pour le NGF, les marqueurs utilisés pour détecter les plasmocytes tumoraux ils peuvent aussi servir d’indicateur d’hémodilution : par exemple le CD117 c’est un marqueur de plasmocyte tumoral, mais aussi de mastocytes, qui est une cellule qu’on trouve que dans la moelle osseuse et le fait de ne pas en voir du tout, ça reflète que le prélèvement est complètement hémodilué. Mais ce type d’évaluation c’est pas fait systématiquement dans tous les laboratoires. Pour le NGS, il va falloir travailler un peu plus puisqu’intrinsèquement la technique ne permet pas d’évaluer le degré d’hémodilution du prélèvement. Ce que l’on fait dans notre laboratoire c’est qu’on réalise un étalement de chaque prélèvement de moelle pour lequel une demande de MRD a été réalisée, on colore et on fait une évaluation cytomorphologique de la quantité de précurseurs médullaires (comme on le ferait pour un myélogramme classique). Si un prélèvement est largement hémodilué, un résultat négatif ne devrait pas être rendu, et un résultat positif devrait être rendu sous réserve d’une quantité de maladie résiduelle potentiellement sous-estimée.
Alors au-delà de ce problème d’hémodilution qui n’est pas si rare, l’échantillon médullaire n’est pas toujours représentatif de la maladie dans le cas du myélome, compte-tenu de l’hétérogénéité de répartition des plasmocytes, avec la présence de ces petits ilots plasmocytaires, qui font qu’à l’extrême on pourrait presque avoir une MRD négative en sternal mais positive en crête iliaque.
Autre cas de figure où l’échantillon de moelle osseuse ne sera pas représentatif : c’est quand il y a une maladie extra-médullaire. C’est assez rare au diagnostic, mais pas tant que ça à la rechute. Et c’est probablement dans ce cas de figure que la complémentarité entre biologie et imagerie paraît évidente.
Alors quelle technique d’imagerie pour évaluer la réponse au traitement dans le myélome ? La TEP (c’est-à-dire la tomographie par émission de positons) couplée au scanner est la méthode actuellement reconnue comme ayant le meilleur ratio sensibilité/spécificité, et c’est celle qui est recommandée d’ailleurs par l’IMWG. Un effort de standardisation a été fait avec la démonstration de l’applicabilité des critères de Deauville au myélome. Et donc la disparition des lésions hypermétaboliques au TEPscan permettrait de « verrouiller » le statut véritablement MRD négatif d’un patient. Par exemple, une étude avait montré que les patients qui obtiennent à la fois une MRD biologique négative et une TEPscan normalisé après consolidation ont une survie sans progression et une survie globale plus longues que ceux qui ont l’un des deux examens positifs. Alors néanmoins ici, les données de MRD disponibles dans cette étude ne l’étaient à la sensibilité de 10-5, et il faut garder à l’esprit l’apport évident de ces techniques d’imagerie dans le cas spécifique de la maladie extramédullaire, mais que pour l'infiltration de la moelle osseuse, la MRD biologique est plus sensible, en particulier si une sensibilité de 10-6 est atteinte. Pour terminer sur l’imagerie, d’autres traceur que le FDG sont à l’étude, comme la choline ou le zirconium. En particulier pour les patients qui ont une expression faible de l’hexokinase et donc une TEP-scan non contributive. Et puis l’IRM de diffusion corps entier est une alternative possible à la TEPscan, et les sensibilités/spécificités de ces 2 techniques sont actuellement comparées.
Pour ce qui est du développement actuel des techniques d’évaluation de la MRD sur sang : et bien, il y a un avantage évident, c’est d’avoir un examen qui est peu invasif qu’on va pouvoir réitérer, afin d’avoir une évaluation dynamique au cours du temps. Un avantage théorique c’est de s’affranchir des écueils de représentativité du prélèvement médullaire dont on vient de parler. Mais en pratique on est encore loin d’atteindre la sensibilité de la moelle osseuse, avec beaucoup de tests sanguins qui sont négatifs alors que la moelle est positive. Alors il existe deux approches dans le sang et à chaque fois deux écoles : la première approche c’est d’utiliser un marqueur direct c’est-à-dire la cellule tumorale ellemême et on peut utiliser soit l’ADN tumoral circulant, soit les cellules tumorales circulantes. Je dirais que même si beaucoup de progrès ont été faits ces dernières années, ces méthodes elles restent encore assez compliquées à mettre en place en routine. La deuxième méthode c’est d’utiliser le marqueur indirect qu’on connait bien c’est-à-dire la protéine monoclonale, mais cette fois-ci avec une méthode ultrasensible qu’est la spectrométrie de masse. Là aussi il y a deux écoles : une approche dite clonotypique qui est assez lourde pour le moment mais très sensible, et une approche dite protéine entière ou MALDI-TOF, plus facile à manier mais peut-être un peu moins sensible. Donc ce sont des approches que l’on doit continuer à apprendre à utiliser, très prometteuses, plutôt pour les phases tardives du traitement et de suivi. Le gold standard reste aujourd’hui la moelle osseuse, en particulier dans les phases initiales du traitement.
Merci à tous pour votre écoute et on se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode dédié à l’interprétation de la maladie résiduelle. Vous pouvez retrouver cet épisode, le précédent et le prochain sur le site Sanofi Campus.
Épisode 3 : L'interprétation du signal
Cet épisode explore l'importance de la MRD dans l'évaluation de la survie des patients. A travers plusieurs essais cliniques, le Pr Corre aborde les questions suivantes en fonction du statut MRD des patients : Faut-il traiter une rechute moléculaire immédiatement ou attendre la progression clinique ? Faut-il adapter l'intensité de la durée du traitement ? Faut-il procéder à une désescalade thérapeutique ? Est-il nécessaire de recourir à la greffe chez les patients qui présentent une MRD négative après l'induction ?
Jill Corre dans l’épisode 3 de « La MRD sur écoute »
Biologiste mé́dicale à̀ l’Unité́ de Gé́nomique du Myé́lome au CHU de Toulouse
A vous le micro : focus interprétation
Bonjour à tous, je suis le Professeur Jill Corre. Je suis biologiste médical à l’Unité de Génomique du
Myélome au CHU de Toulouse, et j’appartiens à une équipe de recherche dédiée à l’étude de la
génomique et l’immunologie du myélome au Centre de recherches en cancérologie de Toulouse.
Bienvenue dans ce troisième et dernier épisode du podcast MRD sur écoute, le podcast dédié à la
maladie résiduelle minimale.
Aujourd’hui, nous allons voir ensemble comment interpréter la MRD dans le myélome.
Alors l’évaluation de la MRD dans le myélome multiple c’est un élément clé pour évaluer sa pertinence
et son impact décisif sur la survie du patient. La MRD elle identifie 2 sous-groupes de patients : les
patients MRD positive et les patients MRD négative, et c’est toujours mieux d’avoir une MRD négative
en particulier si elle est maintenue dans le temps, que l’on soit éligible ou non à une intensification
thérapeutique, en 1ère ligne de traitement ou à la rechute, de risque standard ou de haut risque
cytogénétique. L’objectif de traitement ça doit être la MRD indétectable, en particulier chez les sujets
de haut risque.
D’une façon générale, plus la MRD négative est atteinte rapidement, mieux c’est. Par exemple dans un
essai français récent de première ligne du sujet éligible à l’intensification thérapeutique qui testait
l’ajout d’un anti-CD38 à une triplet d’induction et de consolidation il y a une donnée très importante à
propos du premier point d’évaluation de la MRD : le point post-induction. En fait, quand on regarde
exclusivement la population des patients qui ont atteint une MRD négative après la consolidation, ceux
qui ont atteint ce point précocement c’est-à-dire dès l’induction ont une PFS significativement
meilleure que ceux qui l’ont atteint plus tardivement et qui étaient encore positifs en post-induction.
Cette donnée elle montre l’importance, l’informativité de ce point post-induction et justifie totalement
le fait de proposer une induction optimale basée sur une quadruplet.
La MRD c’est donc un outil potentiellement intéressant pour monitorer le traitement du myélome, et
actuellement de nombreux essais cliniques posent la question du bénéfice de l’adaptation
thérapeutique en fonction du statut de la MRD. On va parler ici de 4 essais cliniques.
En 1ère ligne, chez le sujet éligible à l’autogreffe, est-ce qu’on a vraiment besoin de greffer les patients
qui sont MRD négative après induction ? C’est une des questions que pose un essai français de phase
3. Tous les patients sont stratifiés sur leur statut MRD par NGS après 6 cycles d’induction par une
quadruplet anti-CD38/inhibiteur du protéasome/Imid/corticoïdes : les patients avec une MRD négative
au seuil de 10-5 seront considérés comme risque standard et randomisés entre un bras sans autogreffe
et un bras avec autogreffe. Les patients qui conservent une MRD positive sont considérés comme de
haut risque et randomisés entre les bras 1 autogreffe versus 2 autogreffes. Avec cet essai, on va savoir
si un patient MRD positive post-induction a un bénéfice à recevoir une deuxième autogreffe. Donc on
attend avec impatience de tirer tous les enseignements de cet essai.
2ème essai : un essai de phase 2 en 1ère ligne chez les sujets éligibles à l’autogreffe, pousse à l’extrême
cette fois-ci le concept d’adaptation à la MRD, en particulier de la désescalade thérapeutique face à
un patient MRD négatif. Les patients reçoivent une induction par 4 cycles d’une quadruplet anti-
CD38/inhibiteur du protéasome/Imid/corticoïdes, une greffe, 4 cycles de consolidation de 4 cycles de
la même quadruplet et encore 4 cycles de consolidation et une maintenance. A chacune des étapes
que je viens d’énumérer, une évaluation de la MRD à 10-5 est réalisée ; si elle est négative deux fois
d’affilée, le traitement est interrompu. Par exemple si la MRD post-induction et la MRD post-greffe
sont toutes les deux négatives, le patient n’aura pas de consolidation. Les premiers résultats semblent
indiquer que ce type d’approche n’est pas optimale pour les patients de haut risque cytogénétique,
puisque le risque de résurgence d’une MRD positive ou d’une progression à 12 mois est quand même
de 30 %.
Une autre question majeure avec ce troisième essai, c’est celle de l’adaptation de l’intensité et de la
durée de la maintenance au statut MRD. Dans cet essai espagnol, si la MRD est négative à 10-5 après 2
ans de maintenance, et bien on l’arrête. Si la MRD est positive, on poursuit la maintenance pour 3
années supplémentaires. Alors malgré cette adaptation thérapeutique, la courbe de PFS à partir de ce
statut MRD décisionnel est en faveur des patients MRD négative qui n’ont plus de traitement, et ça ça
montre qu’il faudrait faire mieux pour ces patients MRD positifs.
Et puis enfin, est-ce qu’il faut traiter une rechute moléculaire ou bien attendre la progression ?
Un essai norvégien compare le fait de traiter la rechute d’un patient post-greffe par une triplet anti-
CD38/inhibiteur du protéasome/corticoïdes au moment de la progression (c’est-à-dire définie par les
critères conventionnels) versus au moment de la réapparition d’une MRD positive (qu’on pourrait
appeler une rechute moléculaire). Est-ce qu’on a plus de chance de contrôler le clone avant qu’il
redevienne symptomatique ? Parce qu’avoir une augmentation d’un log de MRD signifie une
progression dans les mois qui viennent dans 100 % des cas. Là encore, on a hâte d’avoir les résultats,
mais il va falloir avoir beaucoup de patience !
Alors actuellement, il n’y a toujours pas de recommandations d’utiliser la MRD dans le myélome
multiple en dehors des essais cliniques, à l’exception d’un cas particulier : c’est celui des patients qui
doivent bénéficier d’une greffe rénale, pour lesquels le statut MRD négatif (inférieur à 10-5) est requis.
En dehors de ce cas de figure qui est quand même très spécifique, la MRD est-ce qu’elle est utile dans
le myélome en dehors des essais, dans la pratique clinique courante malgré l’absence de
recommandations ?
Certains cliniciens réalisent en routine une évaluation de la MRD chez le sujet éligible à l’intensification
thérapeutique, après chaque phase du traitement : après l’induction, la greffe, la consolidation, puis
tous les 12 mois pendant et après la maintenance. Chez un sujet non éligible à un traitement intensif,
qui sera vraisemblablement sous traitement continu jusqu’à progression, certains cliniciens réalisent
aussi une évaluation de la MRD, c’est plus rare, tous les 12 mois.
Alors que faire de ces résultats ? Rares sont les cliniciens qui vont changer le traitement, comme on le
fait dans les essais cliniques dont on vient de parler. Mais la MRD ça peut aider à dénouer des situations
difficiles, en particulier des situations de toxicité médicamenteuse. Par exemple, une maintenance mal
tolérée sera allégée avec moins d’état d’âme chez un patient qui n’a plus de MRD détectable.
La MRD c’est comme la cytogénétique, c’est un outil précieux mais largement imparfait, parce qu’il y
a toujours des outsiders. On n’est que dans la probabilité. Un exemple qui est maintenant assez bien
documenté par le groupe espagnol, c’est celui des patients atteints de myélome avec une profil
immunophénotypique dit « MGUS like » (c’est à peu près 8% des patients au diagnostic) : on savait
déjà que certains patients avaient la particularité d’avoir un excellent devenir clinique, c’est-à-dire pas
de rechute, même si la protéine monoclonale ne disparait pas. Et bien avec la MRD c’est pareil, certains
patients conservent une MRD positive et ne rechutent pas. Ça pourrait être important à l’avenir de les
identifier au diagnostic, même s’ils sont assez minoritaires, parce que leur objectif de traitement n’est
évidemment pas le même.
L’étape suivante pour la communauté scientifique et médicale autour de cette question de la maladie
résiduelle dans le myélome, c’est d’avoir le recul nécessaire pour analyser les résultats des différents
essais cliniques adaptés à la MRD, et d’en tirer des recommandations pour la pratique courante. En
attendant, en cas de situation complexe, la MRD est un outil qui est disponible et qui peut aider à la
prise de décision.
Merci à tous pour votre écoute. C’était le podcast MRD sur écoute, le podcast dédié à la maladie
résiduelle minimale. Vous pouvez retrouver tous nos épisodes sur le site Sanofi Campus.
A vous le micro : focus interprétation
Bonjour à tous, je suis le Professeur Jill Corre. Je suis biologiste médical à l’Unité de Génomique du
Myélome au CHU de Toulouse, et j’appartiens à une équipe de recherche dédiée à l’étude de la
génomique et l’immunologie du myélome au Centre de recherches en cancérologie de Toulouse.
Bienvenue dans ce troisième et dernier épisode du podcast MRD sur écoute, le podcast dédié à la
maladie résiduelle minimale.
Aujourd’hui, nous allons voir ensemble comment interpréter la MRD dans le myélome.
Alors l’évaluation de la MRD dans le myélome multiple c’est un élément clé pour évaluer sa pertinence
et son impact décisif sur la survie du patient. La MRD elle identifie 2 sous-groupes de patients : les
patients MRD positive et les patients MRD négative, et c’est toujours mieux d’avoir une MRD négative
en particulier si elle est maintenue dans le temps, que l’on soit éligible ou non à une intensification
thérapeutique, en 1ère ligne de traitement ou à la rechute, de risque standard ou de haut risque
cytogénétique. L’objectif de traitement ça doit être la MRD indétectable, en particulier chez les sujets
de haut risque.
D’une façon générale, plus la MRD négative est atteinte rapidement, mieux c’est. Par exemple dans un
essai français récent de première ligne du sujet éligible à l’intensification thérapeutique qui testait
l’ajout d’un anti-CD38 à une triplet d’induction et de consolidation il y a une donnée très importante à
propos du premier point d’évaluation de la MRD : le point post-induction. En fait, quand on regarde
exclusivement la population des patients qui ont atteint une MRD négative après la consolidation, ceux
qui ont atteint ce point précocement c’est-à-dire dès l’induction ont une PFS significativement
meilleure que ceux qui l’ont atteint plus tardivement et qui étaient encore positifs en post-induction.
Cette donnée elle montre l’importance, l’informativité de ce point post-induction et justifie totalement
le fait de proposer une induction optimale basée sur une quadruplet.
La MRD c’est donc un outil potentiellement intéressant pour monitorer le traitement du myélome, et
actuellement de nombreux essais cliniques posent la question du bénéfice de l’adaptation
thérapeutique en fonction du statut de la MRD. On va parler ici de 4 essais cliniques.
En 1ère ligne, chez le sujet éligible à l’autogreffe, est-ce qu’on a vraiment besoin de greffer les patients
qui sont MRD négative après induction ? C’est une des questions que pose un essai français de phase
3. Tous les patients sont stratifiés sur leur statut MRD par NGS après 6 cycles d’induction par une
quadruplet anti-CD38/inhibiteur du protéasome/Imid/corticoïdes : les patients avec une MRD négative
au seuil de 10-5 seront considérés comme risque standard et randomisés entre un bras sans autogreffe
et un bras avec autogreffe. Les patients qui conservent une MRD positive sont considérés comme de
haut risque et randomisés entre les bras 1 autogreffe versus 2 autogreffes. Avec cet essai, on va savoir
si un patient MRD positive post-induction a un bénéfice à recevoir une deuxième autogreffe. Donc on
attend avec impatience de tirer tous les enseignements de cet essai.
2ème essai : un essai de phase 2 en 1ère ligne chez les sujets éligibles à l’autogreffe, pousse à l’extrême
cette fois-ci le concept d’adaptation à la MRD, en particulier de la désescalade thérapeutique face à
un patient MRD négatif. Les patients reçoivent une induction par 4 cycles d’une quadruplet anti-
CD38/inhibiteur du protéasome/Imid/corticoïdes, une greffe, 4 cycles de consolidation de 4 cycles de
la même quadruplet et encore 4 cycles de consolidation et une maintenance. A chacune des étapes
que je viens d’énumérer, une évaluation de la MRD à 10-5 est réalisée ; si elle est négative deux fois
d’affilée, le traitement est interrompu. Par exemple si la MRD post-induction et la MRD post-greffe
sont toutes les deux négatives, le patient n’aura pas de consolidation. Les premiers résultats semblent
indiquer que ce type d’approche n’est pas optimale pour les patients de haut risque cytogénétique,
puisque le risque de résurgence d’une MRD positive ou d’une progression à 12 mois est quand même
de 30 %.
Une autre question majeure avec ce troisième essai, c’est celle de l’adaptation de l’intensité et de la
durée de la maintenance au statut MRD. Dans cet essai espagnol, si la MRD est négative à 10-5 après 2
ans de maintenance, et bien on l’arrête. Si la MRD est positive, on poursuit la maintenance pour 3
années supplémentaires. Alors malgré cette adaptation thérapeutique, la courbe de PFS à partir de ce
statut MRD décisionnel est en faveur des patients MRD négative qui n’ont plus de traitement, et ça ça
montre qu’il faudrait faire mieux pour ces patients MRD positifs.
Et puis enfin, est-ce qu’il faut traiter une rechute moléculaire ou bien attendre la progression ?
Un essai norvégien compare le fait de traiter la rechute d’un patient post-greffe par une triplet anti-
CD38/inhibiteur du protéasome/corticoïdes au moment de la progression (c’est-à-dire définie par les
critères conventionnels) versus au moment de la réapparition d’une MRD positive (qu’on pourrait
appeler une rechute moléculaire). Est-ce qu’on a plus de chance de contrôler le clone avant qu’il
redevienne symptomatique ? Parce qu’avoir une augmentation d’un log de MRD signifie une
progression dans les mois qui viennent dans 100 % des cas. Là encore, on a hâte d’avoir les résultats,
mais il va falloir avoir beaucoup de patience !
Alors actuellement, il n’y a toujours pas de recommandations d’utiliser la MRD dans le myélome
multiple en dehors des essais cliniques, à l’exception d’un cas particulier : c’est celui des patients qui
doivent bénéficier d’une greffe rénale, pour lesquels le statut MRD négatif (inférieur à 10-5) est requis.
En dehors de ce cas de figure qui est quand même très spécifique, la MRD est-ce qu’elle est utile dans
le myélome en dehors des essais, dans la pratique clinique courante malgré l’absence de
recommandations ?
Certains cliniciens réalisent en routine une évaluation de la MRD chez le sujet éligible à l’intensification
thérapeutique, après chaque phase du traitement : après l’induction, la greffe, la consolidation, puis
tous les 12 mois pendant et après la maintenance. Chez un sujet non éligible à un traitement intensif,
qui sera vraisemblablement sous traitement continu jusqu’à progression, certains cliniciens réalisent
aussi une évaluation de la MRD, c’est plus rare, tous les 12 mois.
Alors que faire de ces résultats ? Rares sont les cliniciens qui vont changer le traitement, comme on le
fait dans les essais cliniques dont on vient de parler. Mais la MRD ça peut aider à dénouer des situations
difficiles, en particulier des situations de toxicité médicamenteuse. Par exemple, une maintenance mal
tolérée sera allégée avec moins d’état d’âme chez un patient qui n’a plus de MRD détectable.
La MRD c’est comme la cytogénétique, c’est un outil précieux mais largement imparfait, parce qu’il y
a toujours des outsiders. On n’est que dans la probabilité. Un exemple qui est maintenant assez bien
documenté par le groupe espagnol, c’est celui des patients atteints de myélome avec une profil
immunophénotypique dit « MGUS like » (c’est à peu près 8% des patients au diagnostic) : on savait
déjà que certains patients avaient la particularité d’avoir un excellent devenir clinique, c’est-à-dire pas
de rechute, même si la protéine monoclonale ne disparait pas. Et bien avec la MRD c’est pareil, certains
patients conservent une MRD positive et ne rechutent pas. Ça pourrait être important à l’avenir de les
identifier au diagnostic, même s’ils sont assez minoritaires, parce que leur objectif de traitement n’est
évidemment pas le même.
L’étape suivante pour la communauté scientifique et médicale autour de cette question de la maladie
résiduelle dans le myélome, c’est d’avoir le recul nécessaire pour analyser les résultats des différents
essais cliniques adaptés à la MRD, et d’en tirer des recommandations pour la pratique courante. En
attendant, en cas de situation complexe, la MRD est un outil qui est disponible et qui peut aider à la
prise de décision.
Merci à tous pour votre écoute. C’était le podcast MRD sur écoute, le podcast dédié à la maladie
résiduelle minimale. Vous pouvez retrouver tous nos épisodes sur le site Sanofi Campus.
La MRD en bref
Le myélome multiple (MM) représente 1 % à 1,8 % de tous les cancers et constitue la deuxième hémopathie maligne avec une incidence estimée en Europe de 4,5 à 6,0 sur 100 000 par an.(1)
L’évaluation de la maladie résiduelle minimale (MRD) représente une réelle avancée pour estimer la réponse au traitement chez les patients atteints de MM.(1) En effet, dans cette pathologie où la majorité des patients rechute malgré des taux exceptionnels de réponse complète, il est nécessaire d’utiliser des techniques telles que la MRD qui permettent de mesurer la réponse au traitement de manière plus sensible.(2,3) La mesure de la MRD peut se faire par cytométrie en flux (CMF) ou séquençage haut débit (Next-Generation Sequencing, NGS) et être confrontée à un PET-scan.(1,3) Celui-ci est en mesure de détecter des zones hypermétaboliques chez environ 15 à 20 % des patients présentant une MRD négative au niveau de la moelle osseuse.(1)
La MRD négative est définie par l’absence de détection de plasmocytes tumoraux dans la moelle osseuse, au seuil de sensibilité défini par la technique (par exemple 10-6 pour le NGS, c’est-à-dire moins d’un plasmocyte parmi 1 million de cellules médullaires analysées).(1)
Chez les patients atteints d’un MM nouvellement diagnostiqué ou d’un MM en rechute ou réfractaire, la MRD est corrélée à une survie sans progression et une survie globale plus longues.(1) Chez les patients atteints de myélome multiple en rechute ou réfractaire, des études ont révélé des taux de MRD négative compris entre 5 et 30 % en cas de traitement par anti-CD38 combinés à des immunomodulateurs ou des inhibiteurs du protéasome.(4)
Qui est Jill Corre ?
Jill Corre est biologiste médicale à l’Unité́ de génomique du myélome au CHU de Toulouse. Elle est également membre d’une équipe de recherche dédiée à̀ l’étude de la génomique et l’immunologie du myélome au Centre de Recherches en Cancérologie de Toulouse (CRCT).
Jill Corre dans la série « La MRD sur écoute »
Biologiste mé́dicale à̀ l’Unité́ de Gé́nomique du Myé́lome au CHU de Toulouse
Épisode 1 : La MRD à la loupe
Cet épisode permet de mieux comprendre ce qu’est la MRD et de faire le point sur les biomarqueurs impliqués. Le Pr Corre explique comment la MRD permet d’améliorer l’évaluation de la réponse au traitement chez les patients atteints de MM. Elle précise également l’impact pronostique de la MRD sur la survie sans progression et sur la survie globale des patients. Enfin, elle revient sur les situations concrètes où la mesure de la MRD est pertinente et l’intérêt de l’associer à la génétique plasmocytaire.
Jill Corre dans l’épisode 1 de « La MRD sur écoute »
Biologiste mé́dicale à̀ l’Unité́ de Gé́nomique du Myé́lome au CHU de Toulouse
D’abord, de quoi parle-t-on ?
De l’évaluation de la maladie résiduelle minimale (MRD : Minimal Residual Disease en anglais) c’est-à-dire la détection et la quantification du nombre de cellules tumorales résiduelles dans un échantillon de tissu (la moelle, le sang) pendant et après une séquence thérapeutique, l’objectif étant d’évaluer la réponse au traitement du patient. Dans le cas du myélome multiple, on parle essentiellement de moelle osseuse, mais des techniques se développent progressivement dans le sang.
En fait, une des spécificités du myélome par rapport aux autres hémopathies malignes, c’est que l’on a à notre disposition deux types de biomarqueurs pour évaluer cette réponse au traitement. Un biomarqueur indirect qui est la protéine monoclonale produite par la cellule tumorale et un biomarqueur direct qui est la cellule tumorale elle-même. Chacun de ces biomarqueurs présente des avantages et des inconvénients : pour faire court, le marqueur indirect n’est, par définition, qu’un marqueur de substitution, un surrogate, mais présente l’avantage indéniable de pouvoir être mesuré par une simple prise de sang. Le nombre de cellules tumorales est un marqueur direct, en temps réel de la maladie, mais nécessite un prélèvement de moelle osseuse, qui est comme chacun sait un acte invasif, ce d’autant plus s’il doit être réitéré.
Le développement de l’évaluation de la MRD dans la moelle osseuse a permis d’identifier au sein de patients en réponse complète ceux qui conservent une MRD positive de ceux qui n’ont plus de MRD détectable, avec un impact clinique sur la survie sans progression et la survie globale. En d’autres termes la MRD serait une façon plus sensible d’évaluer la réponse au traitement.
Il est maintenant établi que la MRD a un poids pronostique chez tous les sous-groupes de patients porteurs d’un MM : sujets jeunes, sujets âgés, au diagnostic, à la rechute, cytogénétique standard ou de haut risque : c’est toujours mieux d’avoir une MRD indétectable, à la fois en termes de survie sans progression et de survie globale, et plus la méthode est sensible, plus le poids pronostique est conséquent. Avoir une MRD indétectable à 10-6 vous confère un meilleur pronostic qu’avoir une MRD inférieur à 10-5 mais positif à 10-6. De nombreux essais cliniques l’ont montré, mais également des études de vie réelle, même si les cohortes sont beaucoup plus réduites. On peut retenir la méta analyse de Nikhil Munshi publiée en 2020 sur plus de 8000 patients issus de 93 essais cliniques, qui montre que les patients qui ont une MRD indétectable à 10-6 ont un bénéfice de PFS avec un HR à 0,22.
Attention ! La profondeur de la réponse c’est important, mais la durée de la réponse l’est aussi. Si la MRD est indétectable de façon maintenue dans le temps (2 tests négatifs à 1 an d’intervalle, « sustained negative MRD en anglais), l’impact pronostique sera d’autant plus fort. Un patient qui perdrait son statut MRD négative rejoint d’un point de vue pronostique le groupe des patients MRD positive. D’après les recommandations de l’IMWG qui datent déjà de 2016, la MRD doit être évaluée chez les patients qui ont atteint la RC, or, on sait maintenant que cette manière de voir les choses n’est pas optimale puisque de nombreux patients, en particulier dans les phases précoces de traitement, présente une MRD indétectable (y compris à 10-6), alors qu’ils n’ont pas atteint la réponse complète. Cette discordance apparente est principalement liée à la persistance de la protéine monoclonale, en raison d’une demi-vie relativement longue, 3-4 semaines dans le cas des IgG : on a de fait un asynchronisme entre la disparition des plasmocytes tumoraux induite par le traitement et la normalisation de l’immunofixation qui définit la réponse complète. C’est la raison pour laquelle la MRD doit être faire dans les essais cliniques chez les patients au moins en très bonne réponse partielle, et non pas en uniquement en réponse complète. Si ce n’est pas le cas, on sous-estime complètement la proportion des patients en MRD négative.
Alors quand doit-on faire la MRD ?
Eh bien essentiellement dans les essais cliniques, il n’y a pas aujourd’hui de recommandations sur l’utilisation de la MRD en pratique clinique de routine dans le myélome multiple, (quand on compare à d’autres hémopathies malignes telles que la leucémie myéloïde chronique) même si dans la réalité, certains cliniciens y voient un réel intérêt pour le suivi de leur patient et la prescrivent.
À quel moment précisément ? Ça dépend des stratégies thérapeutiques et des essais. Chez le sujet éligible à l’intensification thérapeutique, une MRD peut être utile après chaque phase du traitement : après l’induction, après la greffe, après la consolidation, puis tous les 12 mois pendant et après la maintenance. Chez un sujet non éligible à un traitement intensif, qui sera vraisemblablement sous traitement continu jusqu’à progression, une MRD peut être réalisée tous les 12 mois.
Le poids pronostique est si fort que des essais cliniques avec adaptation thérapeutique en fonction du statut MRD se sont développés. C’est le cas d’un essai français qui stratifie les patients en fonction du statut de la MRD post-induction, mais c’est loin d’être le seul essai de ce type. On attend avec impatience les résultats de tous ces essais afin de savoir si cette adaptation thérapeutique au statut de la MRD apporte un bénéfice clinique et si oui, dans quelles conditions.
Et puis dans tous ces essais, l’objectif primaire de l’essai n’est pas la PFS mais la MRD : c’est donc que l’on considère que la MRD est un marqueur de substitution suffisamment puissant. Évidemment, il faut comprendre que puisque la survie des patients s’est considérablement améliorée ces dernières années, il devient difficile de conduire des essais cliniques avec comme objectif principal un bénéfice de PFS, d’où la nécessité d’avoir des marqueurs de surrogacy comme on dit en anglais. Concernant les essais d’enregistrement des nouvelles molécules, les autorités de santé (FDA, EMA) ne reconnaissent pas encore la MRD comme marqueur de substitution, puisque les preuves n’ont jusqu’ici pas été assez convaincantes pour les méthodologistes. Néanmoins, une analyse de toutes les données les plus récentes est en cours, et pourrait aboutir à un accord des autorités pour utiliser la MRD dans les essais d‘enregistrement, peut-être qu’il faudra une MRD maintenue négative. La MRD représente ainsi une opportunité unique de potentiellement accélérer la mise à disposition de nouveaux médicaments dans le MM.
Et la cytogénétique dans tout ça ?
On parle du poids pronostique de la MRD mais il ne faut pas oublier qu’au moment du diagnostic c’est bien évidemment une information que nous n’avons pas, et le moyen le plus efficace aujourd’hui pour stratifier un patient au diagnostic c’est d’étudier les anomalies génétiques qui sont présentes dans ses plasmocytes. Par exemple, on sait que les patients qui sont porteurs d’une délétion 17p dans la majorité de leurs plasmocytes au moment du diagnostic ont un pronostic de haut risque. Il apparaît que chez certains patients dits de haut risque, l’obtention d’une MRD indétectable permettrait d’améliorer considérablement leur devenir clinique, ce doit donc être l’objectif de traitement des patients de haut risque. Attention néanmoins aux raccourcis trompeurs. On sait par exemple que certains patients porteurs d’une translocation 4 ;14 vont atteindre rapidement une MRD indétectable mais seront malheureusement incapables de maintenir ce statut dans le temps. À l’inverse, nos meilleurs scores pronostiques ratent aujourd’hui 20-30 % des patients de haut risque. Il arrive donc que des patients considérés comme étant de bon pronostic n’atteignent jamais une MRD négative : c’est que ces patients possèdent probablement des facteurs de haut risque que nous ne connaissons pas aujourd’hui. En résumé, on a aujourd’hui deux outils extrêmement utiles que sont la génétique plasmocytaire et la MRD, qu’il faut confronter pour appréhender au mieux le devenir clinique des patients et pour progresser dans la connaissance de cette maladie
D’abord, de quoi parle-t-on ?
De l’évaluation de la maladie résiduelle minimale (MRD : Minimal Residual Disease en anglais) c’est-à-dire la détection et la quantification du nombre de cellules tumorales résiduelles dans un échantillon de tissu (la moelle, le sang) pendant et après une séquence thérapeutique, l’objectif étant d’évaluer la réponse au traitement du patient. Dans le cas du myélome multiple, on parle essentiellement de moelle osseuse, mais des techniques se développent progressivement dans le sang.
En fait, une des spécificités du myélome par rapport aux autres hémopathies malignes, c’est que l’on a à notre disposition deux types de biomarqueurs pour évaluer cette réponse au traitement. Un biomarqueur indirect qui est la protéine monoclonale produite par la cellule tumorale et un biomarqueur direct qui est la cellule tumorale elle-même. Chacun de ces biomarqueurs présente des avantages et des inconvénients : pour faire court, le marqueur indirect n’est, par définition, qu’un marqueur de substitution, un surrogate, mais présente l’avantage indéniable de pouvoir être mesuré par une simple prise de sang. Le nombre de cellules tumorales est un marqueur direct, en temps réel de la maladie, mais nécessite un prélèvement de moelle osseuse, qui est comme chacun sait un acte invasif, ce d’autant plus s’il doit être réitéré.
Le développement de l’évaluation de la MRD dans la moelle osseuse a permis d’identifier au sein de patients en réponse complète ceux qui conservent une MRD positive de ceux qui n’ont plus de MRD détectable, avec un impact clinique sur la survie sans progression et la survie globale. En d’autres termes la MRD serait une façon plus sensible d’évaluer la réponse au traitement.
Il est maintenant établi que la MRD a un poids pronostique chez tous les sous-groupes de patients porteurs d’un MM : sujets jeunes, sujets âgés, au diagnostic, à la rechute, cytogénétique standard ou de haut risque : c’est toujours mieux d’avoir une MRD indétectable, à la fois en termes de survie sans progression et de survie globale, et plus la méthode est sensible, plus le poids pronostique est conséquent. Avoir une MRD indétectable à 10-6 vous confère un meilleur pronostic qu’avoir une MRD inférieur à 10-5 mais positif à 10-6. De nombreux essais cliniques l’ont montré, mais également des études de vie réelle, même si les cohortes sont beaucoup plus réduites. On peut retenir la méta analyse de Nikhil Munshi publiée en 2020 sur plus de 8000 patients issus de 93 essais cliniques, qui montre que les patients qui ont une MRD indétectable à 10-6 ont un bénéfice de PFS avec un HR à 0,22.
Attention ! La profondeur de la réponse c’est important, mais la durée de la réponse l’est aussi. Si la MRD est indétectable de façon maintenue dans le temps (2 tests négatifs à 1 an d’intervalle, « sustained negative MRD en anglais), l’impact pronostique sera d’autant plus fort. Un patient qui perdrait son statut MRD négative rejoint d’un point de vue pronostique le groupe des patients MRD positive. D’après les recommandations de l’IMWG qui datent déjà de 2016, la MRD doit être évaluée chez les patients qui ont atteint la RC, or, on sait maintenant que cette manière de voir les choses n’est pas optimale puisque de nombreux patients, en particulier dans les phases précoces de traitement, présente une MRD indétectable (y compris à 10-6), alors qu’ils n’ont pas atteint la réponse complète. Cette discordance apparente est principalement liée à la persistance de la protéine monoclonale, en raison d’une demi-vie relativement longue, 3-4 semaines dans le cas des IgG : on a de fait un asynchronisme entre la disparition des plasmocytes tumoraux induite par le traitement et la normalisation de l’immunofixation qui définit la réponse complète. C’est la raison pour laquelle la MRD doit être faire dans les essais cliniques chez les patients au moins en très bonne réponse partielle, et non pas en uniquement en réponse complète. Si ce n’est pas le cas, on sous-estime complètement la proportion des patients en MRD négative.
Alors quand doit-on faire la MRD ?
Eh bien essentiellement dans les essais cliniques, il n’y a pas aujourd’hui de recommandations sur l’utilisation de la MRD en pratique clinique de routine dans le myélome multiple, (quand on compare à d’autres hémopathies malignes telles que la leucémie myéloïde chronique) même si dans la réalité, certains cliniciens y voient un réel intérêt pour le suivi de leur patient et la prescrivent.
À quel moment précisément ? Ça dépend des stratégies thérapeutiques et des essais. Chez le sujet éligible à l’intensification thérapeutique, une MRD peut être utile après chaque phase du traitement : après l’induction, après la greffe, après la consolidation, puis tous les 12 mois pendant et après la maintenance. Chez un sujet non éligible à un traitement intensif, qui sera vraisemblablement sous traitement continu jusqu’à progression, une MRD peut être réalisée tous les 12 mois.
Le poids pronostique est si fort que des essais cliniques avec adaptation thérapeutique en fonction du statut MRD se sont développés. C’est le cas d’un essai français qui stratifie les patients en fonction du statut de la MRD post-induction, mais c’est loin d’être le seul essai de ce type. On attend avec impatience les résultats de tous ces essais afin de savoir si cette adaptation thérapeutique au statut de la MRD apporte un bénéfice clinique et si oui, dans quelles conditions.
Et puis dans tous ces essais, l’objectif primaire de l’essai n’est pas la PFS mais la MRD : c’est donc que l’on considère que la MRD est un marqueur de substitution suffisamment puissant. Évidemment, il faut comprendre que puisque la survie des patients s’est considérablement améliorée ces dernières années, il devient difficile de conduire des essais cliniques avec comme objectif principal un bénéfice de PFS, d’où la nécessité d’avoir des marqueurs de surrogacy comme on dit en anglais. Concernant les essais d’enregistrement des nouvelles molécules, les autorités de santé (FDA, EMA) ne reconnaissent pas encore la MRD comme marqueur de substitution, puisque les preuves n’ont jusqu’ici pas été assez convaincantes pour les méthodologistes. Néanmoins, une analyse de toutes les données les plus récentes est en cours, et pourrait aboutir à un accord des autorités pour utiliser la MRD dans les essais d‘enregistrement, peut-être qu’il faudra une MRD maintenue négative. La MRD représente ainsi une opportunité unique de potentiellement accélérer la mise à disposition de nouveaux médicaments dans le MM.
Et la cytogénétique dans tout ça ?
On parle du poids pronostique de la MRD mais il ne faut pas oublier qu’au moment du diagnostic c’est bien évidemment une information que nous n’avons pas, et le moyen le plus efficace aujourd’hui pour stratifier un patient au diagnostic c’est d’étudier les anomalies génétiques qui sont présentes dans ses plasmocytes. Par exemple, on sait que les patients qui sont porteurs d’une délétion 17p dans la majorité de leurs plasmocytes au moment du diagnostic ont un pronostic de haut risque. Il apparaît que chez certains patients dits de haut risque, l’obtention d’une MRD indétectable permettrait d’améliorer considérablement leur devenir clinique, ce doit donc être l’objectif de traitement des patients de haut risque. Attention néanmoins aux raccourcis trompeurs. On sait par exemple que certains patients porteurs d’une translocation 4 ;14 vont atteindre rapidement une MRD indétectable mais seront malheureusement incapables de maintenir ce statut dans le temps. À l’inverse, nos meilleurs scores pronostiques ratent aujourd’hui 20-30 % des patients de haut risque. Il arrive donc que des patients considérés comme étant de bon pronostic n’atteignent jamais une MRD négative : c’est que ces patients possèdent probablement des facteurs de haut risque que nous ne connaissons pas aujourd’hui. En résumé, on a aujourd’hui deux outils extrêmement utiles que sont la génétique plasmocytaire et la MRD, qu’il faut confronter pour appréhender au mieux le devenir clinique des patients et pour progresser dans la connaissance de cette maladie
Épisode 2 : La détection du signal
Dans cet épisode le Pr Corre se concentre sur la technique de détection de la MRD. Elle explique les techniques d’évaluation du signal, le lien entre échantillon médullaire et maladie, les techniques d’imagerie pour évaluer la réponse au traitement dans le myélome.
Jill Corre dans l’épisode 2 de « La MRD sur écoute »
Biologiste mé́dicale à̀ l’Unité́ de Gé́nomique du Myé́lome au CHU de Toulouse
La détection du signal (focus technique) Bonjour à tous, je suis le Professeur Jill Corre. Je suis biologiste médical à l’Unité de Génomique du Myélome au CHU de Toulouse, et j’appartiens à une équipe de recherche dédiée à l’étude de la génomique et l’immunologie du myélome au Centre de recherches en cancérologie de Toulouse.
Bienvenue dans ce deuxième épisode du podcast « MRD sur écoute », le podcast dédié à la maladie résiduelle minimale.
Aujourd’hui, nous allons parler de la détection du signal de la MRD dans le myélome.
Les deux techniques actuellement recommandée par l’IMWG pour évaluer la maladie résiduelle dans le myélome sont le NGS pour Next Generation Sequencing, c’est-à-dire une méthode de séquençage d’ADN à haut débit, et le NGF pour Next Generation Flow, c’est-à-dire une méthode de cytométrie.
Quel est le principe de ces méthodes, qui ont toutes deux pour objectif de chercher 1 aiguille dans une botte de foin ?
En ce qui concerne le NGS d’abord : au diagnostic, on tri les plasmocytes, on extrait d’ADN, on amplifie et on séquence tous les réarrangements VDJ au niveau des gènes des immunoglobulines. Cette étape dite de calibration, ça permet d’identifier le réarrangement VDJ spécifique du myélome d’un malade donné. On sait que cette séquence que l’on appelle le clonotype est unique et stable tout au long de la maladie. Au moment d’évaluer la MRD, c’est ce petit code barre que l’on va aller chercher spécifiquement à identifier et à quantifier avec une grande sensibilité puisqu’on est capable de détecter 1 cellule tumorale pour 1 million de cellules nucléées de la moelle osseuse, c’est-à-dire une sensibilité de 10-6. Vous avez compris que cette étape de calibration est indispensable mais il est important de se souvenir qu’elle peut se faire à posteriori du diagnostic, la seule condition c’est d’avoir conservé du matériel tumoral.
Le NGF c’est une méthode de cytométrie en flux optimisée et standardisée, par l’utilisation de procédures analytiques spécifiques, d’un panel consensus d’anticorps, et d’une stratégie d’analyse standardisée. Pour le NGF, il s’agit en fait d’identifier et de quantifier grâce à leur immunophénotypage les plasmocytes de la moelle osseuse par cytométrie en flux, et de déterminer la proportion de plasmocytes tumoraux résiduels présents, grâce à un panel de 10 anticorps qui permet de les discriminer. Ce panel consensus du groupe Euro-Flow doit inclure les chaînes Kappa et Lamba intracytoplasmiques pour prouver de façon formelle que les plasmocytes détectés sont bien clonaux. Alors, on travaille ici avec des cellules fraiches, ce qui signifie que l’échantillon doit être analysé dans les 24-48h, 48h maximum après le prélèvement, ce qui n’est pas le cas du NGS puisqu’on travaille sur de l’ADN, qui peut être congelé et analysé quand on le souhaite.
En théorie, on peut parfaitement atteindre une sensibilité équivalente au NGS par NGF, c’est-à-dire 10-6 : la condition c’est d’analyser un nombre suffisant de cellules de la moelle osseuse, c’est-à-dire 20 millions et c’est là que le bât blesse, puisque d’un point de vue logistique, c’est très lourd de monopoliser un cytomètre dans un laboratoire pendant le temps nécessaire pour passer ces 20 millions de cellules. Alors certains laboratoires dans le monde y parviennent, en France, la plupart du temps on analyse 10 fois moins de cellules, et on ne va donc pas au-delà plus que 10-5 en termes de sensibilité c’est-à-dire 1 cellule sur 100 000 (ce qui est déjà une aiguille dans une botte de foin). Alors en contrepartie, le résultat sera disponible plus rapidement avec la cytométrie de flux (1 à 2 jours versus une dizaine de jours pour le NGS).
Dans les 2 cas, NGF et NGS, on préconise de ne pas prélever plus de 2 mL de moelle osseuse dans le tube EDTA pour éviter l’hémodilution qui rendrait l’analyse nettement moins contributive. D’ailleurs cette hémodilution elle devrait toujours être prise en compte. Pour le NGF, les marqueurs utilisés pour détecter les plasmocytes tumoraux ils peuvent aussi servir d’indicateur d’hémodilution : par exemple le CD117 c’est un marqueur de plasmocyte tumoral, mais aussi de mastocytes, qui est une cellule qu’on trouve que dans la moelle osseuse et le fait de ne pas en voir du tout, ça reflète que le prélèvement est complètement hémodilué. Mais ce type d’évaluation c’est pas fait systématiquement dans tous les laboratoires. Pour le NGS, il va falloir travailler un peu plus puisqu’intrinsèquement la technique ne permet pas d’évaluer le degré d’hémodilution du prélèvement. Ce que l’on fait dans notre laboratoire c’est qu’on réalise un étalement de chaque prélèvement de moelle pour lequel une demande de MRD a été réalisée, on colore et on fait une évaluation cytomorphologique de la quantité de précurseurs médullaires (comme on le ferait pour un myélogramme classique). Si un prélèvement est largement hémodilué, un résultat négatif ne devrait pas être rendu, et un résultat positif devrait être rendu sous réserve d’une quantité de maladie résiduelle potentiellement sous-estimée.
Alors au-delà de ce problème d’hémodilution qui n’est pas si rare, l’échantillon médullaire n’est pas toujours représentatif de la maladie dans le cas du myélome, compte-tenu de l’hétérogénéité de répartition des plasmocytes, avec la présence de ces petits ilots plasmocytaires, qui font qu’à l’extrême on pourrait presque avoir une MRD négative en sternal mais positive en crête iliaque.
Autre cas de figure où l’échantillon de moelle osseuse ne sera pas représentatif : c’est quand il y a une maladie extra-médullaire. C’est assez rare au diagnostic, mais pas tant que ça à la rechute. Et c’est probablement dans ce cas de figure que la complémentarité entre biologie et imagerie paraît évidente.
Alors quelle technique d’imagerie pour évaluer la réponse au traitement dans le myélome ? La TEP (c’est-à-dire la tomographie par émission de positons) couplée au scanner est la méthode actuellement reconnue comme ayant le meilleur ratio sensibilité/spécificité, et c’est celle qui est recommandée d’ailleurs par l’IMWG. Un effort de standardisation a été fait avec la démonstration de l’applicabilité des critères de Deauville au myélome. Et donc la disparition des lésions hypermétaboliques au TEPscan permettrait de « verrouiller » le statut véritablement MRD négatif d’un patient. Par exemple, une étude avait montré que les patients qui obtiennent à la fois une MRD biologique négative et une TEPscan normalisé après consolidation ont une survie sans progression et une survie globale plus longues que ceux qui ont l’un des deux examens positifs. Alors néanmoins ici, les données de MRD disponibles dans cette étude ne l’étaient à la sensibilité de 10-5, et il faut garder à l’esprit l’apport évident de ces techniques d’imagerie dans le cas spécifique de la maladie extramédullaire, mais que pour l'infiltration de la moelle osseuse, la MRD biologique est plus sensible, en particulier si une sensibilité de 10-6 est atteinte. Pour terminer sur l’imagerie, d’autres traceur que le FDG sont à l’étude, comme la choline ou le zirconium. En particulier pour les patients qui ont une expression faible de l’hexokinase et donc une TEP-scan non contributive. Et puis l’IRM de diffusion corps entier est une alternative possible à la TEPscan, et les sensibilités/spécificités de ces 2 techniques sont actuellement comparées.
Pour ce qui est du développement actuel des techniques d’évaluation de la MRD sur sang : et bien, il y a un avantage évident, c’est d’avoir un examen qui est peu invasif qu’on va pouvoir réitérer, afin d’avoir une évaluation dynamique au cours du temps. Un avantage théorique c’est de s’affranchir des écueils de représentativité du prélèvement médullaire dont on vient de parler. Mais en pratique on est encore loin d’atteindre la sensibilité de la moelle osseuse, avec beaucoup de tests sanguins qui sont négatifs alors que la moelle est positive. Alors il existe deux approches dans le sang et à chaque fois deux écoles : la première approche c’est d’utiliser un marqueur direct c’est-à-dire la cellule tumorale ellemême et on peut utiliser soit l’ADN tumoral circulant, soit les cellules tumorales circulantes. Je dirais que même si beaucoup de progrès ont été faits ces dernières années, ces méthodes elles restent encore assez compliquées à mettre en place en routine. La deuxième méthode c’est d’utiliser le marqueur indirect qu’on connait bien c’est-à-dire la protéine monoclonale, mais cette fois-ci avec une méthode ultrasensible qu’est la spectrométrie de masse. Là aussi il y a deux écoles : une approche dite clonotypique qui est assez lourde pour le moment mais très sensible, et une approche dite protéine entière ou MALDI-TOF, plus facile à manier mais peut-être un peu moins sensible. Donc ce sont des approches que l’on doit continuer à apprendre à utiliser, très prometteuses, plutôt pour les phases tardives du traitement et de suivi. Le gold standard reste aujourd’hui la moelle osseuse, en particulier dans les phases initiales du traitement.
Merci à tous pour votre écoute et on se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode dédié à l’interprétation de la maladie résiduelle. Vous pouvez retrouver cet épisode, le précédent et le prochain sur le site Sanofi Campus.
La détection du signal (focus technique) Bonjour à tous, je suis le Professeur Jill Corre. Je suis biologiste médical à l’Unité de Génomique du Myélome au CHU de Toulouse, et j’appartiens à une équipe de recherche dédiée à l’étude de la génomique et l’immunologie du myélome au Centre de recherches en cancérologie de Toulouse.
Bienvenue dans ce deuxième épisode du podcast « MRD sur écoute », le podcast dédié à la maladie résiduelle minimale.
Aujourd’hui, nous allons parler de la détection du signal de la MRD dans le myélome.
Les deux techniques actuellement recommandée par l’IMWG pour évaluer la maladie résiduelle dans le myélome sont le NGS pour Next Generation Sequencing, c’est-à-dire une méthode de séquençage d’ADN à haut débit, et le NGF pour Next Generation Flow, c’est-à-dire une méthode de cytométrie.
Quel est le principe de ces méthodes, qui ont toutes deux pour objectif de chercher 1 aiguille dans une botte de foin ?
En ce qui concerne le NGS d’abord : au diagnostic, on tri les plasmocytes, on extrait d’ADN, on amplifie et on séquence tous les réarrangements VDJ au niveau des gènes des immunoglobulines. Cette étape dite de calibration, ça permet d’identifier le réarrangement VDJ spécifique du myélome d’un malade donné. On sait que cette séquence que l’on appelle le clonotype est unique et stable tout au long de la maladie. Au moment d’évaluer la MRD, c’est ce petit code barre que l’on va aller chercher spécifiquement à identifier et à quantifier avec une grande sensibilité puisqu’on est capable de détecter 1 cellule tumorale pour 1 million de cellules nucléées de la moelle osseuse, c’est-à-dire une sensibilité de 10-6. Vous avez compris que cette étape de calibration est indispensable mais il est important de se souvenir qu’elle peut se faire à posteriori du diagnostic, la seule condition c’est d’avoir conservé du matériel tumoral.
Le NGF c’est une méthode de cytométrie en flux optimisée et standardisée, par l’utilisation de procédures analytiques spécifiques, d’un panel consensus d’anticorps, et d’une stratégie d’analyse standardisée. Pour le NGF, il s’agit en fait d’identifier et de quantifier grâce à leur immunophénotypage les plasmocytes de la moelle osseuse par cytométrie en flux, et de déterminer la proportion de plasmocytes tumoraux résiduels présents, grâce à un panel de 10 anticorps qui permet de les discriminer. Ce panel consensus du groupe Euro-Flow doit inclure les chaînes Kappa et Lamba intracytoplasmiques pour prouver de façon formelle que les plasmocytes détectés sont bien clonaux. Alors, on travaille ici avec des cellules fraiches, ce qui signifie que l’échantillon doit être analysé dans les 24-48h, 48h maximum après le prélèvement, ce qui n’est pas le cas du NGS puisqu’on travaille sur de l’ADN, qui peut être congelé et analysé quand on le souhaite.
En théorie, on peut parfaitement atteindre une sensibilité équivalente au NGS par NGF, c’est-à-dire 10-6 : la condition c’est d’analyser un nombre suffisant de cellules de la moelle osseuse, c’est-à-dire 20 millions et c’est là que le bât blesse, puisque d’un point de vue logistique, c’est très lourd de monopoliser un cytomètre dans un laboratoire pendant le temps nécessaire pour passer ces 20 millions de cellules. Alors certains laboratoires dans le monde y parviennent, en France, la plupart du temps on analyse 10 fois moins de cellules, et on ne va donc pas au-delà plus que 10-5 en termes de sensibilité c’est-à-dire 1 cellule sur 100 000 (ce qui est déjà une aiguille dans une botte de foin). Alors en contrepartie, le résultat sera disponible plus rapidement avec la cytométrie de flux (1 à 2 jours versus une dizaine de jours pour le NGS).
Dans les 2 cas, NGF et NGS, on préconise de ne pas prélever plus de 2 mL de moelle osseuse dans le tube EDTA pour éviter l’hémodilution qui rendrait l’analyse nettement moins contributive. D’ailleurs cette hémodilution elle devrait toujours être prise en compte. Pour le NGF, les marqueurs utilisés pour détecter les plasmocytes tumoraux ils peuvent aussi servir d’indicateur d’hémodilution : par exemple le CD117 c’est un marqueur de plasmocyte tumoral, mais aussi de mastocytes, qui est une cellule qu’on trouve que dans la moelle osseuse et le fait de ne pas en voir du tout, ça reflète que le prélèvement est complètement hémodilué. Mais ce type d’évaluation c’est pas fait systématiquement dans tous les laboratoires. Pour le NGS, il va falloir travailler un peu plus puisqu’intrinsèquement la technique ne permet pas d’évaluer le degré d’hémodilution du prélèvement. Ce que l’on fait dans notre laboratoire c’est qu’on réalise un étalement de chaque prélèvement de moelle pour lequel une demande de MRD a été réalisée, on colore et on fait une évaluation cytomorphologique de la quantité de précurseurs médullaires (comme on le ferait pour un myélogramme classique). Si un prélèvement est largement hémodilué, un résultat négatif ne devrait pas être rendu, et un résultat positif devrait être rendu sous réserve d’une quantité de maladie résiduelle potentiellement sous-estimée.
Alors au-delà de ce problème d’hémodilution qui n’est pas si rare, l’échantillon médullaire n’est pas toujours représentatif de la maladie dans le cas du myélome, compte-tenu de l’hétérogénéité de répartition des plasmocytes, avec la présence de ces petits ilots plasmocytaires, qui font qu’à l’extrême on pourrait presque avoir une MRD négative en sternal mais positive en crête iliaque.
Autre cas de figure où l’échantillon de moelle osseuse ne sera pas représentatif : c’est quand il y a une maladie extra-médullaire. C’est assez rare au diagnostic, mais pas tant que ça à la rechute. Et c’est probablement dans ce cas de figure que la complémentarité entre biologie et imagerie paraît évidente.
Alors quelle technique d’imagerie pour évaluer la réponse au traitement dans le myélome ? La TEP (c’est-à-dire la tomographie par émission de positons) couplée au scanner est la méthode actuellement reconnue comme ayant le meilleur ratio sensibilité/spécificité, et c’est celle qui est recommandée d’ailleurs par l’IMWG. Un effort de standardisation a été fait avec la démonstration de l’applicabilité des critères de Deauville au myélome. Et donc la disparition des lésions hypermétaboliques au TEPscan permettrait de « verrouiller » le statut véritablement MRD négatif d’un patient. Par exemple, une étude avait montré que les patients qui obtiennent à la fois une MRD biologique négative et une TEPscan normalisé après consolidation ont une survie sans progression et une survie globale plus longues que ceux qui ont l’un des deux examens positifs. Alors néanmoins ici, les données de MRD disponibles dans cette étude ne l’étaient à la sensibilité de 10-5, et il faut garder à l’esprit l’apport évident de ces techniques d’imagerie dans le cas spécifique de la maladie extramédullaire, mais que pour l'infiltration de la moelle osseuse, la MRD biologique est plus sensible, en particulier si une sensibilité de 10-6 est atteinte. Pour terminer sur l’imagerie, d’autres traceur que le FDG sont à l’étude, comme la choline ou le zirconium. En particulier pour les patients qui ont une expression faible de l’hexokinase et donc une TEP-scan non contributive. Et puis l’IRM de diffusion corps entier est une alternative possible à la TEPscan, et les sensibilités/spécificités de ces 2 techniques sont actuellement comparées.
Pour ce qui est du développement actuel des techniques d’évaluation de la MRD sur sang : et bien, il y a un avantage évident, c’est d’avoir un examen qui est peu invasif qu’on va pouvoir réitérer, afin d’avoir une évaluation dynamique au cours du temps. Un avantage théorique c’est de s’affranchir des écueils de représentativité du prélèvement médullaire dont on vient de parler. Mais en pratique on est encore loin d’atteindre la sensibilité de la moelle osseuse, avec beaucoup de tests sanguins qui sont négatifs alors que la moelle est positive. Alors il existe deux approches dans le sang et à chaque fois deux écoles : la première approche c’est d’utiliser un marqueur direct c’est-à-dire la cellule tumorale ellemême et on peut utiliser soit l’ADN tumoral circulant, soit les cellules tumorales circulantes. Je dirais que même si beaucoup de progrès ont été faits ces dernières années, ces méthodes elles restent encore assez compliquées à mettre en place en routine. La deuxième méthode c’est d’utiliser le marqueur indirect qu’on connait bien c’est-à-dire la protéine monoclonale, mais cette fois-ci avec une méthode ultrasensible qu’est la spectrométrie de masse. Là aussi il y a deux écoles : une approche dite clonotypique qui est assez lourde pour le moment mais très sensible, et une approche dite protéine entière ou MALDI-TOF, plus facile à manier mais peut-être un peu moins sensible. Donc ce sont des approches que l’on doit continuer à apprendre à utiliser, très prometteuses, plutôt pour les phases tardives du traitement et de suivi. Le gold standard reste aujourd’hui la moelle osseuse, en particulier dans les phases initiales du traitement.
Merci à tous pour votre écoute et on se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode dédié à l’interprétation de la maladie résiduelle. Vous pouvez retrouver cet épisode, le précédent et le prochain sur le site Sanofi Campus.
Épisode 3 : L'interprétation du signal
Cet épisode explore l'importance de la MRD dans l'évaluation de la survie des patients. A travers plusieurs essais cliniques, le Pr Corre aborde les questions suivantes en fonction du statut MRD des patients : Faut-il traiter une rechute moléculaire immédiatement ou attendre la progression clinique ? Faut-il adapter l'intensité de la durée du traitement ? Faut-il procéder à une désescalade thérapeutique ? Est-il nécessaire de recourir à la greffe chez les patients qui présentent une MRD négative après l'induction ?
Jill Corre dans l’épisode 3 de « La MRD sur écoute »
Biologiste mé́dicale à̀ l’Unité́ de Gé́nomique du Myé́lome au CHU de Toulouse
A vous le micro : focus interprétation
Bonjour à tous, je suis le Professeur Jill Corre. Je suis biologiste médical à l’Unité de Génomique du
Myélome au CHU de Toulouse, et j’appartiens à une équipe de recherche dédiée à l’étude de la
génomique et l’immunologie du myélome au Centre de recherches en cancérologie de Toulouse.
Bienvenue dans ce troisième et dernier épisode du podcast MRD sur écoute, le podcast dédié à la
maladie résiduelle minimale.
Aujourd’hui, nous allons voir ensemble comment interpréter la MRD dans le myélome.
Alors l’évaluation de la MRD dans le myélome multiple c’est un élément clé pour évaluer sa pertinence
et son impact décisif sur la survie du patient. La MRD elle identifie 2 sous-groupes de patients : les
patients MRD positive et les patients MRD négative, et c’est toujours mieux d’avoir une MRD négative
en particulier si elle est maintenue dans le temps, que l’on soit éligible ou non à une intensification
thérapeutique, en 1ère ligne de traitement ou à la rechute, de risque standard ou de haut risque
cytogénétique. L’objectif de traitement ça doit être la MRD indétectable, en particulier chez les sujets
de haut risque.
D’une façon générale, plus la MRD négative est atteinte rapidement, mieux c’est. Par exemple dans un
essai français récent de première ligne du sujet éligible à l’intensification thérapeutique qui testait
l’ajout d’un anti-CD38 à une triplet d’induction et de consolidation il y a une donnée très importante à
propos du premier point d’évaluation de la MRD : le point post-induction. En fait, quand on regarde
exclusivement la population des patients qui ont atteint une MRD négative après la consolidation, ceux
qui ont atteint ce point précocement c’est-à-dire dès l’induction ont une PFS significativement
meilleure que ceux qui l’ont atteint plus tardivement et qui étaient encore positifs en post-induction.
Cette donnée elle montre l’importance, l’informativité de ce point post-induction et justifie totalement
le fait de proposer une induction optimale basée sur une quadruplet.
La MRD c’est donc un outil potentiellement intéressant pour monitorer le traitement du myélome, et
actuellement de nombreux essais cliniques posent la question du bénéfice de l’adaptation
thérapeutique en fonction du statut de la MRD. On va parler ici de 4 essais cliniques.
En 1ère ligne, chez le sujet éligible à l’autogreffe, est-ce qu’on a vraiment besoin de greffer les patients
qui sont MRD négative après induction ? C’est une des questions que pose un essai français de phase
3. Tous les patients sont stratifiés sur leur statut MRD par NGS après 6 cycles d’induction par une
quadruplet anti-CD38/inhibiteur du protéasome/Imid/corticoïdes : les patients avec une MRD négative
au seuil de 10-5 seront considérés comme risque standard et randomisés entre un bras sans autogreffe
et un bras avec autogreffe. Les patients qui conservent une MRD positive sont considérés comme de
haut risque et randomisés entre les bras 1 autogreffe versus 2 autogreffes. Avec cet essai, on va savoir
si un patient MRD positive post-induction a un bénéfice à recevoir une deuxième autogreffe. Donc on
attend avec impatience de tirer tous les enseignements de cet essai.
2ème essai : un essai de phase 2 en 1ère ligne chez les sujets éligibles à l’autogreffe, pousse à l’extrême
cette fois-ci le concept d’adaptation à la MRD, en particulier de la désescalade thérapeutique face à
un patient MRD négatif. Les patients reçoivent une induction par 4 cycles d’une quadruplet anti-
CD38/inhibiteur du protéasome/Imid/corticoïdes, une greffe, 4 cycles de consolidation de 4 cycles de
la même quadruplet et encore 4 cycles de consolidation et une maintenance. A chacune des étapes
que je viens d’énumérer, une évaluation de la MRD à 10-5 est réalisée ; si elle est négative deux fois
d’affilée, le traitement est interrompu. Par exemple si la MRD post-induction et la MRD post-greffe
sont toutes les deux négatives, le patient n’aura pas de consolidation. Les premiers résultats semblent
indiquer que ce type d’approche n’est pas optimale pour les patients de haut risque cytogénétique,
puisque le risque de résurgence d’une MRD positive ou d’une progression à 12 mois est quand même
de 30 %.
Une autre question majeure avec ce troisième essai, c’est celle de l’adaptation de l’intensité et de la
durée de la maintenance au statut MRD. Dans cet essai espagnol, si la MRD est négative à 10-5 après 2
ans de maintenance, et bien on l’arrête. Si la MRD est positive, on poursuit la maintenance pour 3
années supplémentaires. Alors malgré cette adaptation thérapeutique, la courbe de PFS à partir de ce
statut MRD décisionnel est en faveur des patients MRD négative qui n’ont plus de traitement, et ça ça
montre qu’il faudrait faire mieux pour ces patients MRD positifs.
Et puis enfin, est-ce qu’il faut traiter une rechute moléculaire ou bien attendre la progression ?
Un essai norvégien compare le fait de traiter la rechute d’un patient post-greffe par une triplet anti-
CD38/inhibiteur du protéasome/corticoïdes au moment de la progression (c’est-à-dire définie par les
critères conventionnels) versus au moment de la réapparition d’une MRD positive (qu’on pourrait
appeler une rechute moléculaire). Est-ce qu’on a plus de chance de contrôler le clone avant qu’il
redevienne symptomatique ? Parce qu’avoir une augmentation d’un log de MRD signifie une
progression dans les mois qui viennent dans 100 % des cas. Là encore, on a hâte d’avoir les résultats,
mais il va falloir avoir beaucoup de patience !
Alors actuellement, il n’y a toujours pas de recommandations d’utiliser la MRD dans le myélome
multiple en dehors des essais cliniques, à l’exception d’un cas particulier : c’est celui des patients qui
doivent bénéficier d’une greffe rénale, pour lesquels le statut MRD négatif (inférieur à 10-5) est requis.
En dehors de ce cas de figure qui est quand même très spécifique, la MRD est-ce qu’elle est utile dans
le myélome en dehors des essais, dans la pratique clinique courante malgré l’absence de
recommandations ?
Certains cliniciens réalisent en routine une évaluation de la MRD chez le sujet éligible à l’intensification
thérapeutique, après chaque phase du traitement : après l’induction, la greffe, la consolidation, puis
tous les 12 mois pendant et après la maintenance. Chez un sujet non éligible à un traitement intensif,
qui sera vraisemblablement sous traitement continu jusqu’à progression, certains cliniciens réalisent
aussi une évaluation de la MRD, c’est plus rare, tous les 12 mois.
Alors que faire de ces résultats ? Rares sont les cliniciens qui vont changer le traitement, comme on le
fait dans les essais cliniques dont on vient de parler. Mais la MRD ça peut aider à dénouer des situations
difficiles, en particulier des situations de toxicité médicamenteuse. Par exemple, une maintenance mal
tolérée sera allégée avec moins d’état d’âme chez un patient qui n’a plus de MRD détectable.
La MRD c’est comme la cytogénétique, c’est un outil précieux mais largement imparfait, parce qu’il y
a toujours des outsiders. On n’est que dans la probabilité. Un exemple qui est maintenant assez bien
documenté par le groupe espagnol, c’est celui des patients atteints de myélome avec une profil
immunophénotypique dit « MGUS like » (c’est à peu près 8% des patients au diagnostic) : on savait
déjà que certains patients avaient la particularité d’avoir un excellent devenir clinique, c’est-à-dire pas
de rechute, même si la protéine monoclonale ne disparait pas. Et bien avec la MRD c’est pareil, certains
patients conservent une MRD positive et ne rechutent pas. Ça pourrait être important à l’avenir de les
identifier au diagnostic, même s’ils sont assez minoritaires, parce que leur objectif de traitement n’est
évidemment pas le même.
L’étape suivante pour la communauté scientifique et médicale autour de cette question de la maladie
résiduelle dans le myélome, c’est d’avoir le recul nécessaire pour analyser les résultats des différents
essais cliniques adaptés à la MRD, et d’en tirer des recommandations pour la pratique courante. En
attendant, en cas de situation complexe, la MRD est un outil qui est disponible et qui peut aider à la
prise de décision.
Merci à tous pour votre écoute. C’était le podcast MRD sur écoute, le podcast dédié à la maladie
résiduelle minimale. Vous pouvez retrouver tous nos épisodes sur le site Sanofi Campus.
A vous le micro : focus interprétation
Bonjour à tous, je suis le Professeur Jill Corre. Je suis biologiste médical à l’Unité de Génomique du
Myélome au CHU de Toulouse, et j’appartiens à une équipe de recherche dédiée à l’étude de la
génomique et l’immunologie du myélome au Centre de recherches en cancérologie de Toulouse.
Bienvenue dans ce troisième et dernier épisode du podcast MRD sur écoute, le podcast dédié à la
maladie résiduelle minimale.
Aujourd’hui, nous allons voir ensemble comment interpréter la MRD dans le myélome.
Alors l’évaluation de la MRD dans le myélome multiple c’est un élément clé pour évaluer sa pertinence
et son impact décisif sur la survie du patient. La MRD elle identifie 2 sous-groupes de patients : les
patients MRD positive et les patients MRD négative, et c’est toujours mieux d’avoir une MRD négative
en particulier si elle est maintenue dans le temps, que l’on soit éligible ou non à une intensification
thérapeutique, en 1ère ligne de traitement ou à la rechute, de risque standard ou de haut risque
cytogénétique. L’objectif de traitement ça doit être la MRD indétectable, en particulier chez les sujets
de haut risque.
D’une façon générale, plus la MRD négative est atteinte rapidement, mieux c’est. Par exemple dans un
essai français récent de première ligne du sujet éligible à l’intensification thérapeutique qui testait
l’ajout d’un anti-CD38 à une triplet d’induction et de consolidation il y a une donnée très importante à
propos du premier point d’évaluation de la MRD : le point post-induction. En fait, quand on regarde
exclusivement la population des patients qui ont atteint une MRD négative après la consolidation, ceux
qui ont atteint ce point précocement c’est-à-dire dès l’induction ont une PFS significativement
meilleure que ceux qui l’ont atteint plus tardivement et qui étaient encore positifs en post-induction.
Cette donnée elle montre l’importance, l’informativité de ce point post-induction et justifie totalement
le fait de proposer une induction optimale basée sur une quadruplet.
La MRD c’est donc un outil potentiellement intéressant pour monitorer le traitement du myélome, et
actuellement de nombreux essais cliniques posent la question du bénéfice de l’adaptation
thérapeutique en fonction du statut de la MRD. On va parler ici de 4 essais cliniques.
En 1ère ligne, chez le sujet éligible à l’autogreffe, est-ce qu’on a vraiment besoin de greffer les patients
qui sont MRD négative après induction ? C’est une des questions que pose un essai français de phase
3. Tous les patients sont stratifiés sur leur statut MRD par NGS après 6 cycles d’induction par une
quadruplet anti-CD38/inhibiteur du protéasome/Imid/corticoïdes : les patients avec une MRD négative
au seuil de 10-5 seront considérés comme risque standard et randomisés entre un bras sans autogreffe
et un bras avec autogreffe. Les patients qui conservent une MRD positive sont considérés comme de
haut risque et randomisés entre les bras 1 autogreffe versus 2 autogreffes. Avec cet essai, on va savoir
si un patient MRD positive post-induction a un bénéfice à recevoir une deuxième autogreffe. Donc on
attend avec impatience de tirer tous les enseignements de cet essai.
2ème essai : un essai de phase 2 en 1ère ligne chez les sujets éligibles à l’autogreffe, pousse à l’extrême
cette fois-ci le concept d’adaptation à la MRD, en particulier de la désescalade thérapeutique face à
un patient MRD négatif. Les patients reçoivent une induction par 4 cycles d’une quadruplet anti-
CD38/inhibiteur du protéasome/Imid/corticoïdes, une greffe, 4 cycles de consolidation de 4 cycles de
la même quadruplet et encore 4 cycles de consolidation et une maintenance. A chacune des étapes
que je viens d’énumérer, une évaluation de la MRD à 10-5 est réalisée ; si elle est négative deux fois
d’affilée, le traitement est interrompu. Par exemple si la MRD post-induction et la MRD post-greffe
sont toutes les deux négatives, le patient n’aura pas de consolidation. Les premiers résultats semblent
indiquer que ce type d’approche n’est pas optimale pour les patients de haut risque cytogénétique,
puisque le risque de résurgence d’une MRD positive ou d’une progression à 12 mois est quand même
de 30 %.
Une autre question majeure avec ce troisième essai, c’est celle de l’adaptation de l’intensité et de la
durée de la maintenance au statut MRD. Dans cet essai espagnol, si la MRD est négative à 10-5 après 2
ans de maintenance, et bien on l’arrête. Si la MRD est positive, on poursuit la maintenance pour 3
années supplémentaires. Alors malgré cette adaptation thérapeutique, la courbe de PFS à partir de ce
statut MRD décisionnel est en faveur des patients MRD négative qui n’ont plus de traitement, et ça ça
montre qu’il faudrait faire mieux pour ces patients MRD positifs.
Et puis enfin, est-ce qu’il faut traiter une rechute moléculaire ou bien attendre la progression ?
Un essai norvégien compare le fait de traiter la rechute d’un patient post-greffe par une triplet anti-
CD38/inhibiteur du protéasome/corticoïdes au moment de la progression (c’est-à-dire définie par les
critères conventionnels) versus au moment de la réapparition d’une MRD positive (qu’on pourrait
appeler une rechute moléculaire). Est-ce qu’on a plus de chance de contrôler le clone avant qu’il
redevienne symptomatique ? Parce qu’avoir une augmentation d’un log de MRD signifie une
progression dans les mois qui viennent dans 100 % des cas. Là encore, on a hâte d’avoir les résultats,
mais il va falloir avoir beaucoup de patience !
Alors actuellement, il n’y a toujours pas de recommandations d’utiliser la MRD dans le myélome
multiple en dehors des essais cliniques, à l’exception d’un cas particulier : c’est celui des patients qui
doivent bénéficier d’une greffe rénale, pour lesquels le statut MRD négatif (inférieur à 10-5) est requis.
En dehors de ce cas de figure qui est quand même très spécifique, la MRD est-ce qu’elle est utile dans
le myélome en dehors des essais, dans la pratique clinique courante malgré l’absence de
recommandations ?
Certains cliniciens réalisent en routine une évaluation de la MRD chez le sujet éligible à l’intensification
thérapeutique, après chaque phase du traitement : après l’induction, la greffe, la consolidation, puis
tous les 12 mois pendant et après la maintenance. Chez un sujet non éligible à un traitement intensif,
qui sera vraisemblablement sous traitement continu jusqu’à progression, certains cliniciens réalisent
aussi une évaluation de la MRD, c’est plus rare, tous les 12 mois.
Alors que faire de ces résultats ? Rares sont les cliniciens qui vont changer le traitement, comme on le
fait dans les essais cliniques dont on vient de parler. Mais la MRD ça peut aider à dénouer des situations
difficiles, en particulier des situations de toxicité médicamenteuse. Par exemple, une maintenance mal
tolérée sera allégée avec moins d’état d’âme chez un patient qui n’a plus de MRD détectable.
La MRD c’est comme la cytogénétique, c’est un outil précieux mais largement imparfait, parce qu’il y
a toujours des outsiders. On n’est que dans la probabilité. Un exemple qui est maintenant assez bien
documenté par le groupe espagnol, c’est celui des patients atteints de myélome avec une profil
immunophénotypique dit « MGUS like » (c’est à peu près 8% des patients au diagnostic) : on savait
déjà que certains patients avaient la particularité d’avoir un excellent devenir clinique, c’est-à-dire pas
de rechute, même si la protéine monoclonale ne disparait pas. Et bien avec la MRD c’est pareil, certains
patients conservent une MRD positive et ne rechutent pas. Ça pourrait être important à l’avenir de les
identifier au diagnostic, même s’ils sont assez minoritaires, parce que leur objectif de traitement n’est
évidemment pas le même.
L’étape suivante pour la communauté scientifique et médicale autour de cette question de la maladie
résiduelle dans le myélome, c’est d’avoir le recul nécessaire pour analyser les résultats des différents
essais cliniques adaptés à la MRD, et d’en tirer des recommandations pour la pratique courante. En
attendant, en cas de situation complexe, la MRD est un outil qui est disponible et qui peut aider à la
prise de décision.
Merci à tous pour votre écoute. C’était le podcast MRD sur écoute, le podcast dédié à la maladie
résiduelle minimale. Vous pouvez retrouver tous nos épisodes sur le site Sanofi Campus.
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