Que permet la médecine de précision ? La réponse en 5 points clés

Voici quelques éléments de réponse en 5 points clés.

1. Une ambition forte : cibler plus qu’une seule altération moléculaire

La médecine de précision a connu ses premières applications concrètes en oncologie. En France, 28 plateformes hospitalières de génétique moléculaire des cancers ont été mises en place sur l’ensemble du territoire depuis 2006.¹

L’objectif actuel est de proposer au patient une thérapie ciblée, c’est-à-dire un traitement correspondant aux caractéristiques spécifiques de sa tumeur.^1,2 Mais l’ambition est plus large : proposer des traitements qui s’adresseraient à des groupes de patients de plus en plus spécifiques.³

Comment ? En ne ciblant pas qu’une seule altération moléculaire⁴ mais en analysant la séquence complète de la tumeur pour chaque patient. Une empreinte moléculaire complète qui prendrait en compte les cellules tumorales, mais aussi leurs interactions avec leur environnement pour le choix d’un traitement réellement personnalisé.

Et peu à peu, on tend à ne plus se baser sur la localisation de la tumeur en premier lieu, mais plutôt sur ses critères moléculaires, avant de se fier aux informations histologiques, et enfin à sa localisation...^4,5

Un nouveau paradigme est en train de se dessiner !

D’un point de vue technique, au-delà du séquençage de l’ADN, d’autres analyses permettraient de compléter le tableau moléculaire : analyses épigénétiques, séquençage de l’ARN, protéomique pourraient aider à élargir le panel des altérations moléculaires susceptibles d’être des cibles thérapeutiques.^4,5

Voir aussi : Médecine de précision en oncologie : concepts actuels et perspectives, la vidéo interview du Pr Jean-Yves Blay, directeur général du centre de lutte contre le cancer Léon Bérard, Lyon

2. Thérapies ciblées et immunothérapie spécifique : une révolution dans la prise en charge du cancer

La médecine de précision repose actuellement sur 2 grands types de traitements : les thérapies ciblées et l’immunothérapie spécifique.⁶

Ces traitements ont pour objectif d’interférer, de bloquer ou de corriger les anomalies moléculaires qui ont été identifiées chez le patient. C’est pourquoi des patients présentant un même cancer ne recevront pas forcément le même traitement.^6,7

Cette révolution thérapeutique repose sur les progrès réalisés dans le séquençage. Aujourd’hui, seuls quelques jours sont nécessaires pour séquencer le génome d’une tumeur...

En pratique clinique, on peut ainsi déterminer le portrait moléculaire de la tumeur et rechercher simultanément plusieurs anomalies sur différents gènes tumoraux. Leur analyse permet alors d’augmenter les chances de découvrir une anomalie susceptible d’être ciblée par un traitement de précision (thérapie ciblée ou immunothérapie spécifique).³

Stratégie thérapeutique, organisation du système de soins, formation des professionnels de santé... Ces nouveaux traitements bouleversent la prise en charge des patients atteints de cancer.⁸

Lire aussi : Médecine de précision : quid des thérapies ciblées et de l’immunothérapie ?

3. La médecine de précision s’étend au-delà de l’oncologie...

De nombreuses maladies sont liées à la génétique et à de nombreux facteurs propres au patient et à son environnement.

Dans le psoriasis, par exemple, où 40 gènes de prédisposition ont déjà été identifiés, de multiples phénotypes de la maladie ont été mis à nu : de nouvelles générations de traitements permettront des prises en charge thérapeutiques de plus en plus précises en s’appuyant sur des biomarqueurs identifiés.^9,10

Dans le diabète également, des projets d’avenir sont en cours. A Lille, le PreciDIAB (Centre National de Médecine de Précision des Diabètes) a pour objectif d’identifier les patients à risque de complications afin de les anticiper, de prévoir les mécanismes d’évolution du diabète, de prévenir les épisodes aigus... grâce à la médecine de précision.¹¹

Lire aussi : Médecine de précision : de quoi parle-t-on ?

4. La médecine de précision est au cœur de la médecine 6P

Connaissez-vous les 6 P de la médecine holistique de demain ? « P » pour...

• Prédictive : la médecine prédictive s’adresse à des individus non malades susceptibles de développer une pathologie. Certains dépistages dès la naissance ont permis de faire disparaitre des pathologies parfois très handicapantes.¹²
• Préventive : la médecine préventive s’appuie sur l’éducation et la sensibilisation des patients à la santé. L’objectif est de réduire les risques de développer une maladie, de la dépister précocement et d’améliorer la qualité de vie du patient.¹²
• Participative : la médecine participative laisse une place importante au patient en tant qu’acteur de sa santé et de son parcours de soins aux côtés du professionnel de santé. En favorisant l’engagement du patient, de nombreux bénéfices peuvent être espérés : amélioration de l’observance aux traitements, réduction des erreurs médicales, baisse du coût des soins...¹²
• Preuve : la médecine des preuves, ou « evidence based medecine », repose sur le service médical rendu aux patients.¹³
• Précision : la médecine de précision ou médecine personnalisée.¹³
• Parcours : la médecine du parcours intègre la progression des parcours de soins. Elle met l’accent sur l’étroite collaboration entre les différents acteurs en jeu, depuis la recherche médicale à la prise en charge du patient à l’hôpital et en ville. Les parcours de soins actuels évolueront vers des parcours « de santé » adaptés à chacun.¹³

5. Médecine prédictive et éthique : des questions éthiques se posent

La médecine prédictive a pour vocation de prévoir les affections qui toucheront un individu. Elle s’adresse donc à des personnes saines, susceptibles de développer une pathologie donnée.^14-16

La médecine prédictive permet d’identifier des anomalies ou des prédispositions génétiques à certains cancers, à des maladies neuromusculaires, cardiaques ou neurodégénératives, dans le cadre d’un diagnostic présymptomatique.¹⁷ Et dans le cadre du dispositif national d’oncogénétique, le dépistage peut être étendu aux autres membres de la famille : on parle alors de dépistage en cascade.¹⁴

Ces progrès ne sont pas sans poser des questions éthiques cruciales. La médecine prédictive permet en effet d’identifier des individus, qui peut-être ne déclareront jamais – ou très tard – les affections pour lesquelles ils sont génétiquement prédisposés : dans quelle mesure ces informations ne vont-elles pas modifier profondément leur façon de vivre, leurs projets, leur vie professionnelle ?^16,18

Et comment respecter le secret médical quand une maladie individuelle devient, en raison de l’héritage génétique, une maladie familiale ?¹⁶ 

Autre question qui se pose : qu’en est-il du droit de ne pas savoir ? Dans certains cas, un examen qui relève de la médecine de précision peut aussi apporter des informations génétiques de prédisposition à telle ou telle maladie. Cela pose la question des découvertes non sollicitées et du droit de ne pas savoir notamment lorsqu’il s’agit de pathologies incurables.^15,19

Et de façon plus générale, la constitution de plateformes de stockage massif de données génomiques, pose les questions de la confidentialité, de la sécurité, de la conservation et de la diffusion de ces données...¹⁴

Lire aussi : Médecine prédictive et médecine de précision : quand deux univers se rencontrent