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- Source : Campus Sanofi
- 17 févr. 2025
La gazette de l’asthme sévère : Remodelage bronchique

Amélioration de la prise en charge des patients asthmatiques sévères
Propos recueillis auprès du Pr Pascal Chanez, pneumologue au CHU de Marseille, et du Pr Patrick Berger, pneumologue au CHU de Bordeaux
Cette 1ère édition 2025 propose un aperçu des dernières découvertes concernant l'asthme sévère. Des études récentes révèlent des mécanismes liés au remodelage bronchique, aux bouchons muqueux et au rôle de l'épithélium dans la pathogénèse de l'asthme.
Beaufils F et al. Bronchial remodeling identifies new endotypes in severe preschool wheezers. Am J Respir Crit Care Med 2024 ;210(7) :941-944.
L'objectif de cette étude était d'identifier 2 groupes d’endotypes à partir des caractéristiques de remodelage bronchique observées lors de bronchoscopies chez des enfants présentant des sifflements récurrents et sévères, asthmatiques et d’âge pré-scolaire. Cette démarche est motivée par la volonté de mieux comprendre les trajectoires évolutives de la maladie entre la petite enfance et l'âge scolaire, permettant une prise en charge médicale plus précise et personnalisée.
Lors d’une étude précédente2, des bronchoscopies ont été réalisées sur des jeunes patients (moyenne d’âge 2,9 ans). Le recrutement initial était de 80 enfants, dont 66 ont été suivis jusqu'à l'âge de 6,5 ans. Deux groupes ont émergé à partir des observations histopathologiques : les classes BR1 (n = 48) et BR2 (n = 18). Les enfants BR1 présentent une augmentation de l'épaisseur de la membrane basale réticulaire (RBM), de la masse musculaire bronchique (BSM) et une diminution de la fibrose bronchique, des glandes séro-muqueuses et de la distance RBM-BSM.
Les résultats montrent 2 groupes différents à l'évolution contrastée. Les enfants de la classe BR1 présentaient une plus grande prévalence d'exacerbations annuelles dans les 3 ans suivant la fibroscopie bronchique (figure 1). Parmi les 48 enfants de la classe BR1, 60 % ont présenté au moins une exacerbation chaque année sur la période de suivi, contre seulement 11 % des enfants du groupe BR2. Seuls 6 % des patients du BR1 et 39 % du BR2 n'ont eu aucune exacerbation chaque année pendant la période de suivi de 3 ans. La classe BR2, par contre, se distingue par une plus grande prévalence de rhinite allergique (66,6 % contre 27,1 % dans le groupe BR1, p = 0,003).

© La Lettre du Pneumologue - Éditeur EDIMARK
Figure 1 : Nombre d’exacerbations cumulées en fonction du temps
Le rapport VEMS/CVF était diminué et le volume résiduel était plus élevé dans le groupe BR1 par rapport au groupe BR2, indiquant une altération fonctionnelle respiratoire. Les enfants du groupe BR1 ont requis des doses plus élevées de corticoïdes inhalés (650 µg contre 300 µg en équivalent béclométhasone, p < 0,001) ainsi que des seconds contrôleurs (LABA ou LTRA).
En conclusion, le remodelage bronchique semble être un critère pertinent pour évaluer les risques évolutifs, notamment le risque d'exacerbations répétées et d’allergies. Les deux classes identifiées peuvent être considérées comme deux nouveaux endotypes de l'asthme sévère précoce. En pratique, le remodelage bronchique précède donc la marche atopique chez nos jeunes patients. Cette stratégie de classification endotypique, fondée sur des données morphologiques bronchiques, pourrait ouvrir la voie à une médecine plus personnalisée pour ces jeunes patients. En raison de l’utilisation limitée et de la répétabilité de la bronchoscopie, ces résultats soulèvent également la nécessité d’identifier des biomarqueurs et des caractéristiques génétiques afin d’identifier plus facilement ces nouveaux endotypes.
Tang M et al. Mucus plugs persist in asthma, and changes in mucus plugs associate with changes in airflow over time. Am J Resp Crit Care Med. 2022 ;205(9):1036-1045.
Une étude menée dans le cadre du programme de recherche sur l'asthme sévère (SARP-3) a mis en évidence la persistance des bouchons muqueux dans les poumons des patients asthmatiques. Cette étude a évalué l'évolution de ces bouchons au fil du temps et leur corrélation avec le remodelage bronchique et les variations de la fonction pulmonaire.
Cette étude longitudinale, menée sur 164 patients adultes du programme SARP-3, a inclus des patients asthmatiques sévères et des individus témoins en bonne santé. Des examens par tomodensitométrie thoracique ont été réalisés à l’inclusion puis trois ans plus tard. Des scores de bouchon muqueux ont été attribués pour évaluer la présence des bouchons et leur persistance au niveau des segments bronchopulmonaires afin d’être comparés à des mesures de la fonction pulmonaire, telles que la FEV1 (volume expiratoire maximal par seconde) et des indices de blocage d'air. Les scores des bouchons muqueux allaient de 0 à 20, la moyenne étant de 3,4 à l’inclusion et de 3,8 au bout de trois ans.
Les résultats montrent que les bouchons muqueux sont persistants chez une grande proportion des participants. En effet, 82 % des participants présentant des bouchons à l’inclusion avaient encore des bouchons 3 ans plus tard. Tandis que 71 % des participants sans bouchons muqueux visibles à l’inclusion sont restés sans bouchons muqueux après 3 ans. Au niveau des segments bronchopulmonaires, 65 % des segments présentant un bouchon au début de l'étude en présentaient toujours après 3 ans en comparaison à 87 % des segments sans bouchons muqueux à l’inclusion demeurant sans bouchons muqueux la 3ème année. Le risque de persistance était ainsi significativement plus élevé chez les patients ayant des bouchons dès l’inclusion (RR = 2,8 ; IC à 95 %, 2,0-4,1 ; p < 0,001).
De plus, une corrélation négative significative a été observée entre l'évolution du score de bouchon muqueux et la variation de la FEV1% prévue (r = -0,35 ; p < 0,001). Cela suggère que l'augmentation du score de bouchon de mucus est associée à une détérioration de la fonction respiratoire. De même, des indices de blocage d'air étaient également corrélés avec l'évolution des bouchons de mucus (p < 0,05). Cette distension bronchique provoquée par les bouchons aggrave la perception de dyspnée chez les patients.
Ces résultats renforcent l'hypothèse selon laquelle les bouchons muqueux jouent un rôle causal dans l'obstruction bronchiques chez les patients asthmatiques. Ils montrent également que les patients présentant des bouchons muqueux persistants ont tendance à souffrir d'un asthme plus sévère, avec une FEV1 inférieure à 60 % de la prévision chez 46 % des patients ayant des bouchons persistants contre seulement 4 % chez les patients sans bouchon (p < 0,001).
L'étude montre également une forte prévalence des indicateurs d'inflammation de type 2, tels que des niveaux élevés d'éosinophiles dans le sang et les expectorations, chez les patients présentant des bouchons muqueux persistants. Ces données suggèrent que l'inflammation éosinophilique pourrait jouer un rôle dans la formation et la persistance des bouchons.
Cette étude met en évidence l'importance des bouchons muqueux dans l'asthme sévère et leur impact sur la fonction respiratoire.
Bradding P. et al. Airway hyperresponsiveness in asthma: the role of the epithelium. J Allergy Clin Immunol 2024;153(5):1181-1193
L'asthme se caractérise, entre autres, par une hyperréactivité bronchique (HRB), une inflammation et un remodelage bronchique. Une revue récente explore le rôle de l'épithélium bronchique dans ces processus, révélant des pistes prometteuses pour le traitement de l'asthme.
Deux cytokines, TSLP (thymic stromal lymphopoietin) et IL-33 (interleukine-33), produites par les cellules épithéliales des voies respiratoires, jouent un rôle central dans l'initiation et l’orchestration de l'inflammation de type 2. Elles activent une cascade inflammatoire impliquant, entre autres des mastocytes et des éosinophiles c’est-à-dire des cellules effectrices clés de cette pathologie. Ces cellules inflammatoires libèrent, à leur tour, des cytokines de type 2, en particulier l'IL-4, l'IL-5 et l'IL-13, qui amplifient l'inflammation et contribuent à l'aggravation de l'HRB.
L'IL-4 favorise le recrutement des éosinophiles et l'activation des lymphocytes T auxiliaires de type 2, renforçant ainsi l'inflammation. L'IL-5 agit principalement sur la survie et l'accumulation des éosinophiles dans les voies respiratoires. L'IL-13, quant à elle, joue un rôle crucial dans la modulation de la réponse immunitaire : elle régule la production d'IgE, stimule l'hypersécrétion de mucus et favorise la fibrose, contribuant ainsi à la persistance et à l'aggravation de l'HRB. Plus précisément, l'IL-13 accentue également l'expression de l'IL-33, établissant un cercle vicieux qui amplifie les réponses inflammatoires.
Ainsi, bien que la TSLP et l'IL-33 initient l'HRB, l'IL-4, l'IL-5 et l'IL-13 en assurent la persistance.
Références :
P. Berger et P. Chanez n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts en relation avec cet article.

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