- Article
- Source : Campus Sanofi
- 2 janv. 2025
La gazette de l'asthme sévère : trajectoires de l'asthme
Impact des différentes trajectoires de l’asthme sur l’évolution de la maladie et de ses comorbidités.
Propos recueillis auprès du Dr Dorian Hassoun, pneumologue au CHU de Nantes
Une étude prospective australienne nous apporte un aperçu intéressant de l’impact du début de la maladie asthmatique (début précoce ou tardif) et de sa durée sur les trajectoires de fonction respiratoire et sur le développement de la pathologie à l’âge adulte.
L'objectif de l’étude était d’identifier les trajectoires longitudinales de l’asthme et des allergies par analyse de classes latentes puis d’examiner leurs associations avec la fonction respiratoire et les profils de comorbidités extrapulmonaires à l’âge adulte. Les données utilisées proviennent de la Tasmanian Longitudinal Health Study (TAHS), une cohorte de naissance ayant recueilli des informations sur la santé respiratoire sur plusieurs décennies, couvrant à la fois l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte (7, 13, 45 et 53 ans).
Cinq trajectoires distinctes de l’asthme et des allergies ont été identifiées parmi les 3 609 patients :
- faible prévalence d’asthme et d’allergies tout au long de la vie chez 49 % des patients ;
- rhinite allergique à début tardif sans asthme chez 29,5 % des patients ;
- asthme et allergies à début précoce (enfance/adolescence) en rémission à l’âge adulte chez 6,5 % des participants ;
- asthme et allergies à début tardif : cette trajectoire concerne 8,8 % des participants et se caractérise par l’apparition tardive de l’asthme, souvent accompagnée de rhinites allergiques et d’allergies aux animaux et aux plantes ;
- asthme et allergies persistants à début précoce : ce groupe, qui représente 6,2 % des participants, est marqué par une persistance de l’asthme et des allergies depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte. Les trajectoires identifiées présentaient des associations spécifiques avec des déficits de la fonction respiratoire et un risque de BPCO. Bien que la trajectoire d’apparition précoce d’asthme et d’allergies persistants soit associée au risque le plus élevé de BPCO, la trajectoire d’asthme et d’allergies d’apparition tardive présentait également un risque accru, mais dans une moindre mesure (tableau).
Les trajectoires de fonction respiratoire, principalement dans l’enfance, ont ainsi un impact significatif et durable chez les patients à l’âge adulte, avec de multiples conséquences cliniques. Il semblerait que la période de l’adolescence soit la meilleure “fenêtre de tir” pour prévenir l’altération de la fonction respiratoire et le développement de leurs comorbidités à l’âge adulte.
© La Lettre du Pneumologue - Éditeur EDIMARK
Cette étude anglaise de grande ampleur souligne les effets délétères et durables des exacerbations d’asthme sur la fonction respiratoire. En effet, celles-ci sont associées au déclin accéléré des débits Internal expiratoires, en particulier chez les jeunes adultes et les patients présentant une fonction respiratoire initiale altérée.
L’objectif était d’évaluer l’impact des exacerbations sur la trajectoire de la fonction respiratoire, en se concentrant sur les mesures du débit expiratoire de pointe (DEP) et du VEMS. L’exploration a également défini si cet effet était plus marqué dans certaines tranches d’âge, notamment chez les jeunes adultes.
Cette étude a été réalisée à partir des données de la base Optimum Patient Care Research Database (OPCRD). Elle a inclus 109 182 patients asthmatiques actifs, suivis sur une période allant de 5 à 50 ans, avec un suivi médian de 10,4 ans. L’association entre la fréquence des exacerbations annuelles et la trajectoire de la fonction pulmonaire a été analysée à l’aide de modèles de croissance linéaire ajustés, prenant en compte des variables telles que l’âge, le sexe, l’IMC et le statut tabagique.
En moyenne, les patients sans exacerbations perdaient environ 2,93 L/ min de DEP/an (IC95 : −3,04 ; −2,82), tandis que ceux ayant plus de 2 exacerbations/an présentaient un déclin plus rapide, allant jusqu’à −5,38 L/min de DEP/an supplémentaire (IC95 : −5,98 ; −4,78) (figure).
Les résultats de l’étude montrent que chaque exacerbation annuelle supplémentaire est associée à une perte supplémentaire estimée à −1,34 L/min de DEP/an (IC95 : −1,23 ; −1,50). À l’instar du DEP, la survenue d’exacerbations était associée à un déclin plus important du VEMS, tant en valeur absolue, −25,5 mL/an (IC95 : −26,3 ; −24,6), qu’en référence à la valeur prédite −0,13 % prédit/an (IC95 : −17,0 ; +10,4).
Bien que ce déclin annuel semble de faible envergure, il était particulièrement marqué chez les patients ayant un VEMS initial bas, notamment chez les jeunes patients. Par ailleurs, les patients ayant des exacerbations fréquentes et recevant des doses élevées de corticoïdes inhalés ont continué de présenter une dégradation accélérée de la fonction respiratoire, malgré une intensification du traitement.
Les auteurs de l’étude insistent sur l’importance cruciale d’une prise en charge optimale des exacerbations d’asthme, en particulier chez les jeunes adultes, dont la fonction pulmonaire est encore dans une phase de plateau ou de début de déclin physiologique. Une prise en charge précoce, incluant l’éducation des patients, une meilleure observance des traitements de fond et une réduction des facteurs de risque, tels que le tabagisme, paraît essentielle pour limiter l’accélération du déclin de la fonction respiratoire et améliorer la qualité de vie.
© La Lettre du Pneumologue - Éditeur EDIMARK
Les trajectoires de la fonction respiratoire dès le plus jeune âge pourraient être associées à des pathologies ultérieures. Une étude, menée sur 3 cohortes de naissance au Royaume-Uni, avec un total de 6 377 participants, a évalué comment la fonction respiratoire de patients en bas âge pouvait influencer le risque cardiovasculaire à l’âge adulte.
Des modèles de profil latent ont été utilisés pour déterminer 4 trajectoires distinctes de la fonction respiratoire, fondées sur le rapport VEMS/ CVF. Ces trajectoires ont été classées comme suit : au-dessus de la moyenne (49,5 %), dans la moyenne (38,3 %), en dessous de la moyenne (10,6 %) et constamment faible (1,7 %). Ces données ont été comparées aux mesures du risque cardiovasculaire à l’âge de 24 ans.
Les résultats montrent une association entre des trajectoires faibles de VEMS/CVF et des marqueurs de risque cardiovasculaire élevé à 24 ans. Les patients présentant une fonction respiratoire inférieure à la moyenne avaient une altération précoce de la structure cardiaque (masse ventriculaire gauche). Cependant, il est important de rappeler que l’étude comporte une limite à garder en mémoire, c’est-à-dire l’absence de corrélation avec la survenue effective d’événements cardiovasculaires (AVC, artériopathie oblitérante des membres inférieurs, infarctus du myocarde) qu’il resterait à démontrer.
Cette étude soulève néanmoins la question des impacts des trajectoires de la fonction respiratoire sur les maladies cardiovasculaires et au-delà de l’appareil respiratoire, et elle souligne également notre actuel manque de données sur ce sujet. Si ces impacts venaient à être confirmés, notre attention devrait probablement se focaliser sur une intervention précoce, dès l’enfance ou l’adolescence.
Références :
D. Hassoun déclare avoir des liens d’intérêts avec AstraZeneca, Novartis Pharma, GSK et Sanofi.
Lire aussi :
250102111098KH - 12/2024